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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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extraordinaire, il se rappellera qu’il y a dans le pays un régiment qui s’appelle Royal-Irlandais, et qu’on peut compter sur les braves qui le composent. Vous avez bien fait, capitaine Polwarth, de choisir l’infanterie légère ; c’est un corps de fourrageurs, et on peut ne s’y laisser manquer de rien ; mais, grâce à Dieu, ce sont des ennemis, et non pas du bétail que les grenadiers aiment à rencontrer dans la plaine.
    Il serait difficile de dire si Polwarth, malgré son caractère jovial et endurant, aurait souffert longtemps encore les quolibets de plus en plus piquants de l’Irlandais, qui s’échauffait lui-même en parlant, lorsque heureusement leur arrivée à la caserne mit fin à la conversation, et prévint les suites qui auraient pu en résulter.

CHAPITRE VIII
    Garde tes soupirs, fille infortunée, pour purifier l’air ; garde tes larmes pour en orner, au lieu de perles, les bracelets faits de tes cheveux.
    DAVENANT.
    Lionel aurait rougi d’avouer l’influence secrète et inexplicable que Ralph, son mystérieux ami, exerçait sur ses sentiments ; mais l’entraînement était irrésistible, et il se hâta de quitter son appartement pour se rendre dans la partie basse de la ville, où se trouvait la demeure d’Abigaïl Pray. Il n’avait point visité le sombre réduit de cette femme depuis le soir de son arrivée ; mais sa proximité de Fanueil-Hall, aussi bien que l’architecture singulière du bâtiment en lui-même, le lui avait fait souvent remarquer pendant les longues promenades qu’il faisait dans une ville qui lui rappelait tous les souvenirs de son enfance. Connaissant donc parfaitement le chemin qui conduisait au vieux magasin, il se dirigea vers la place du marché. Lorqu’en sortant de chez lui Lionel se trouva dans la rue, il vit qu’une obscurité profonde enveloppait déjà la péninsule de Boston, comme si la nature elle-même eût voulu servir les desseins secrets du commandant anglais. Le son vif et aigu du fifre, accompagné du roulement du tambour, faisait retentir les collines nues qui entourent la ville ; par moments, le bruit éclatant du cor se faisait entendre dans la plaine, et, porté par la brise du soir, il venait mourir dans les rues étroites de l’autre côté de la ville. L’effet que produisaient ces trois instruments belliqueux fit tressaillir le jeune militaire, et le pénétra d’un triste plaisir, tandis qu’il marchait fièrement au son de la musique guerrière. Mais l’oreille la plus exercée n’aurait pu y distinguer autre chose que la retraite qu’on battait tous les soirs pour appeler les soldats au repos ; et, lorsque les échos des montagnes eurent répété pour la dernière fois les sons du cor, tout rentra dans le silence, et la ville parut dans un calme aussi parfait que si l’heure paisible de minuit eût déjà plongé tous ses habitants dans le sommeil.
    Lionel s’arrêta un moment devant les portes de l’hôtel-de-ville de la province, et, après avoir jeté un coup d’œil rapide sur toutes les fenêtres, il adressa la parole au grenadier de garde, qui s’était arrêté à son tour pour l’observer.
    – Il paraît qu’il y a compagnie là-dedans, sentinelle, dit-il, à en juger par la clarté dont toutes ces fenêtres sont éclairées ?
    Les armes et l’uniforme de Lionel apprirent au grenadier qu’il parlait à son supérieur, et il répondit avec respect :
    – Il ne convient pas à un simple soldat comme moi de vouloir connaître ce que font ses chefs, Votre Honneur ; mais j’étais en faction devant le quartier du général Wolf la nuit même où nous partîmes pour les plaines d’Abraham ; et je crois qu’un vieux soldat peut juger qu’il se prépare quelque mouvement important, sans adresser à ses supérieurs d’impertinentes questions.
    – Je suppose, d’après votre remarque, que le général tient conseil ce soir.
    – Il n’est entré, depuis que je suis à mon poste, Monsieur, que le lieutenant-colonel du 10 e , le grand lord de Northumberland {37} , et le vieux major de marine : c’est un vrai lougre de guerre, Votre Honneur, que ce vétéran, et ordinairement ce n’est pas pour rien qu’il vient ici.
    – Bonsoir, mon vieux camarade, dit Lionel en continuant son chemin ; il s’agit sûrement de quelque consultation sur les nouveaux exercices qu’on vous fait faire.
    Le grenadier secoua la tête d’un air de doute, et reprit sa marche lente et régulière.

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