Liquidez Paris !
peints, mais ses réflexions furent de nouveau interrompues par un arrogant officier qui le pria de le suivre dans le bureau voisin. Duchez, tremblant de tout son corps, resta seul devant les documents ; il s’agissait de faire vite. Son regard chercha désespérément une cachette et se posa sur un grand portrait de Hitler accroché au mur derrière le bureau. 0n n’irait rien chercher là ! Fébrilement, il saisit les papiers et les fourra derrière le cadre. Presque au même instant, l’Allemand revenait.
– Tas d’idiots ! Tout repose sur moi. Il y a des salopards qui ont mis du sucre dans le ciment. Qu’est-ce que j’y peux ? Qu’ils s’occupent de leurs oignons. Bon, voyons vos échantillons.
On s’entendit sur la décoration des bureaux : lundi matin, huit heures. Le peintre se retira avec un grand salut du bras, salut à Hitler, qui fit sourire de contentement le chauve Oberbauführer. C’était un vendredi après-midi.
Le week-end fut un enfer. A chaque seconde, il croyait voir surgir la Gestapo ; on avait dû chercher les plans et soupçonner en premier lieu le Français. Impossible qu’il en fût autrement ! Donc impossible de dormir. Pendant que sa femme qui ignorait tout de ses activités reposait paisiblement, l’angoisse oppressait Duchez. La peur le rendait presque fou. Il maudissait son geste et les Anglais – ces Anglais bien tranquilles chez eux et ne sachant rien de la Gestapo ! Des pas lourds… Une patrouille de gendarmes armés de mitraillettes… Une torche éclaire la maison… Mais la patrouille continue. Duchez but à se saouler, brisé, malade de terreur. Valait-il mieux disparaître ? La Gestapo allait venir, c’était certain.
Mais la Gestapo ne vint pas. Le lundi matin, il prit un bon réconfortant et s’en fut à son travail avec ses pots de peinture et ses papiers peints sous le bras. En sifflotant, il entra dans le bâtiment de VO. T., se fit fouiller par la sentinelle et se prépara à travailler sous les regards étonnés des occupants. Personne ne savait rien de la rénovation des bureaux et l’Oberbauführer avait été changé de service.
On atteignit un Stabsbauführer qui se rappelait vaguement le projet.
– Faites ce que vous voudrez, cria-t-il avec irritation, et foutez-moi la paix ! Je m’occupe d’artillerie lourde et d’abris ! Qu’on en finisse !
Les deux premiers jours, Duchez travailla en chantant comme un pinson, mais ce ne fut que dans la soirée du troisième jour qu’il souleva avec précaution le tableau. Il fut sur le point de hurler de peur. Les plans étaient toujours là et signifiaient la torture et la mort. Au moment de partir, il les glissa dans ses rouleaux de papier peint et mit le tout entre deux pots de colle, mais à la sortie du bâtiment, il était livide. La sentinelle l’arrêta, tâta ses poches, fouilla sa serviette.
– Ça va, gronda l’Allemand.
Duchez n’avait fait que quelques pas lorsqu’il s’entendit rappeler.
– Et dans ces seaux ?
– De la colle, sergent, pour le papier peint.
Le S. S. tourna la substance laiteuse et la renifla, méfiant.
– On ne sait jamais avec vous autres !
Duchez enfourcha sa bicyclette et se rendit au café des Touristes (le P. C. de la Résistance) où il remit les plans au ci-devant capitaine Girard. Celui-ci les emporta à Paris et les donna au commandant Touny dont le Q. G. voisinait avec celui des Allemands, au 72 de l’avenue des Champs-Elysées. Touny faillit tomber des nues en voyant ce que lui apportait son camarade, et en apprenant l’héroïsme de Duchez.
– C’est le plus magnifique coup de la guerre, et ça va mettre la Gestapo sur les dents. Que Dieu nous garde ! II y aura de la casse, mais ça en vaut la peine !
CANTONNEMENT
LA petite Volkswagen amphibie et pataude cahote devant les premières maisons du village et Gregor freine dans un grand crissement de pneus. Mitraillettes au poing, nous fouillons longuement du regard les bâtiments gris et tristes ; au moindre soupçon, on tire, nous sommes des bêtes de proie qui chassent. Tout le monde nous guette. Le silence oppressé semble un épais velours noir.
Porta est le premier à sauter de la voiture suivi du Vieux et de moi-même ; Gregor reste au volant, sa mitraillette appuyée sur le pare-brise, son doigt sur la détente. Si quelqu’un ouvre une fenêtre, il fait feu.
Le chemin creux serpente entre les jardinets dévastés, traverse le village et disparaît dans
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