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Liquidez Paris !

Liquidez Paris !

Titel: Liquidez Paris ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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la jeune femme, confuse, me rend les lunettes.
    – Pardon, j’ai pensé que c’étaient des lunettes de soleil pour vous rendre intéressant.
    Je ris avec mépris :
    – Trois mois je suis resté aveugle avec la tentation de me suicider. Une grenade au phosphore, un jour que j’ai sauté d’un char en flammes. La lumière me fait toujours mal. Il y a en Allemagne un million d’aveugles de guerre, mais moi je n’ai pas droit à la canne blanche parce que je ne suis pas réellement aveugle.
    – Combien de temps restez-vous ici ?
    – Je n’en sais rien, quelques heures ou quelques jours, un soldat ne sait jamais rien.
    – Et où habitez-vous en Allemagne ?
    Dans une caserne, à Paderborn, mais en principe je vis au Danemark.
    – Vous n’êtes pas Allemand ?
    – Si, je le suis maintenant, sans cela on ne m’aurait pas pris dans l’armée. Les étrangers servent dans la Waffen S. S., leur Légion étrangère.
    – Et comment êtes-vous entre dans l’armée ?
    – Comme volontaire. Je cherchais à vivre. Le livre de Remarque, A l’Ouest, rien de nouveau , a été mon livre de chevet quand j’étais gosse. Il m’a fait aimer le soldat allemand.
    – Je croyais que c’était un livre antimilitariste ?
    – Peut-être, mais il a eu l’effet contraire sur des milliers de jeunes. Il décrivait la camaraderie, la solidarité, tout ce que nous cherchions en somme. Au Danemark, l’armée est minuscule ; je ne connaissais personne et les soldats y sont méprisés ; on crachait ouvertement sur les officiers que la police ne défendait même pas contre les attaques du populo.
    – C’est pour ça que les Danois se sont rendus tout de suite en 1940 ?
    – Que pouvaient faire les Danois contre la plus grande force militaire de l’Europe ? L’armée française elle-même n’a pas pu résister.
    – Mais la France n’a pas cessé le combat !
    Nous continuons la guerre avec les Anglais ! Les Anglais ne nous lâchent pas !
    Le fou rire me prit.
    – Dois-je vous dire pour qui se bat l’Angleterre ? Ils vous ont laissé tomber en 40. A Dunkerque, votre Gamelin a sacrifié les Français pour eux. L’Angleterre se bat pour elle et pour personne d’autre ; aucune nation ne se bat pour une autre, ne soyez pas naïve à ce point !
    – Pourquoi ne désertez-vous pas ? Vous vous battez pour une cause perdue. Entrez dans le maquis, ici on vous aidera.
    – Non, je suis un soldat ; si je déserte, je lâche les camarades qui comptent sur moi comme je compte sur eux. On ne déserte que dans un coup de folie. Nous sommes cinq camarades dans un char, le quintette de la mort. Nous savons que la guerre est perdue, nous le savons depuis longtemps, bien avant que les hommes politiques s’en soient aperçus, mais c’est la camaraderie qui fait que l’on continue. Relisez le livre de Remarque. Ils savaient aussi que la guerre impériale était perdue, mais eux aussi restaient fidèles à la camaraderie, la seule chose qui nous reste parce que nous craignons plus la paix que la guerre, c’est-à-dire le retour à la solitude. Difficile à comprendre quand on n’est pas seul.
    – Je suis seule, dit-elle, en caressant ma main.
    J’ose l’embrasser. La terre tremble, un lézard fuit, c’est une colonne de chars lourds qui passe et la chaleur des tuyaux d’échappement arrive jusqu’à nous. La main dans la main, nous entrons dans la maison pour préparer le café, un merveilleux café. Où diable trouve-t-on ça en ce moment ?
    – Au fond, qu’est-ce que vous êtes ?
    – Rien qu’un soldat.
    Elle m’enlace, nos vêtements gisent sur le plancher et je ris avec lassitude en montrant ma veste tachée d’huile.
    – Tu vois, une machine à tuer ou à détruire. C’est ça que j’ai appris et rien d’autre.
    – Si tu pouvais choisir, que serais-tu ?
    – Difficile à dire. J’ai été soldat trop longtemps, je suis habitué aux hurlements des ordres ; je ne peux vivre qu’avec des ordres et une discipline. On nous a brisés pendant si longtemps que nous sommes devenus des esclaves.
    Le temps s’abolit pour nous ; le café renversé coule sur la table, du café brésilien tellement rare ! Mais nous oublions tout et surtout le monde qui nous entoure.
    Soudain, des pas rapides retentissent, des moteurs grondent, les fenêtres vibrent. On frappe à la porte des coups irrités. Nous nous levons d’un bond du canapé qui grince et elle me jette une veste. C’est Porta

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