Liquidez Paris !
préférerais qu’on m’ôte la machine à penser. Tu te rappelles celui qu’on a fait flamber au centre du Guépéou, à Kiev ? Une idée du général Zepp Dietrich, ces S. S. en ont eu pas mal. Si c’est vrai ce qui t’on dit dans les tracts et qu’ils passeront en jugement, alors j’aime mieux ne pas être S. S. – Il tape sur sa poche poitrine. – Ça sera à qui aura notre carnet gris. Faudrait en faire imprimer un tas, y aurait de l’argent à gagner pour se rétrograder à volonté. Crois pas qu’il restera beaucoup d’officiers quand la guerre sera perdue. Une chance que tu n’aies pas dépassé le grade de fahnenjunker (porte-drapeau). Ça passera de justesse. As-tu remarqué que Barcelona a déjà « perdu » sa croix espagnole ? – Gros rire. – Tu verras qu’y en aura pas un qui aura entendu parler d’Adolf.
Ils arrivèrent à l’aube, juste à l’heure du café, un café que Porta faisait chauffer sur un foyer camouflé et qui embaumait à un kilomètre. Petit-Frère affirma plus tard que les Ecossais avaient attaqué à cause du parfum de ce café brésilien. Ils avançaient comme à l’exercice, exactement comme ça, courant dix mètres, s’aplatissant, se relevant d’un bond, dix mètres encore, se recouchant. Très beau, mais en guerre, complètement idiot.
– Des recrues ! ricana Gregor Martin en installant sa mitrailleuse lourde. Pas difficiles à avoir.
– Attention ! prévient Heide. Sont tout de même pas si bêtes pour envoyer contre nous un régiment de bleusailles. Parie qu’ils ont quelque chose dans leur manche.
Du pouce droit, je fais sauter la sûreté et empoigne fermement la crosse ; j’appuie mes pieds contre un gros caillou, c’est nécessaire avec une 42 ; la vitesse de tir est telle que l’arme est impossible à tenir si le tireur n’est pas bien calé. Les Ecossais sont à deux cents mètres, et voilà que les mines enterrées au cours de la nuit explosent. Plus de « hurrahs » mais des cris de blesses. La première vague est stoppée ; les mines, ça donne à réfléchir. Quand une rangée de mines saute, on se sent mal à l’aise.
– En avant ? En avant ! crient les officiers.
Petit-Frère me montre un officier en kilt qui porte son sabre passé à la taille. Je hoche la tête et rectifie la hausse. Cet imbécile sera le premier ; on voit tout de suite qu’il n’y connaît rien. J’attends qu’ils soient à moins de cent cinquante mètres… mon doigt se courbe sur la détente. Mais voilà qu’il m’arrive quelque chose que je connais bien : dès que je touche la dure détente, je deviens nerveux, mon doigt se paralyse, me résiste… La peur me sort par tous les pores, je sais que ma première salve sera trop courte ! Petit-Frère me donne un furieux coup de pied.
– Vas-tu tirer, espèce de con ?
J’ai le trac… un trac impossible à juguler qui me prend toujours à la première salve. Mon index est devenu de bois. La terre gicle deux mètres devant la vague d’assaut.
– Trop court ! hurle Petit-Frère.
Le lieutenant Löwe atterrit d’un bond parmi nous et me frappe le dos de la crosse de son revoler.
– Vous êtes fou ? Dominez-vous ou c’est le conseil de guerre !
Ils ont traversé le champ de mines, les premiers sont à cent mètres… dans une seconde, les grenades à main vont pleuvoir.
Mon œil malade me brûle… je presse la crosse contre mon épaule, vois des jambes qui courent ; je tends chacun de mes muscles. La mitrailleuse crépite, des corps tombent comme des quilles. C’est fini ! Je suis redevenu le tireur d’élite, je fais corps avec la M. G. à hauteur de ventre. Nouvelle salve. Löwe me tape sur l’épaule. Evanoui le trac ! Tac, tac tac…, c’est la M. G. à tir rapide, d’autres mitrailleuses répondent, les vagues, fauchées, s’abattent.
Petit-Frère sert bande sur bande ; l’arme devient brûlante. Descendre la crosse, sortir le tube brûlant, mettre celui de rechange, et la M. G. continue à cracher. La peur elle aussi s’est évanouie. Une petite pluie rafraîchit l’arme et la vapeur blanche siffle.
Cet assaut-là est brisé. Ils ne savent donc pas qu’il faut de l’artillerie pour réduire un nid de mitrailleuses ? Je tire, je tire, comme au camp de Munster au grand tournoi des M. G. Par terre, des taches, des taches, combien de taches ?
Il sont plus têtus que les Russes, mais avant de les revoir on a bien une heure de paix. Pourquoi
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