Liquidez Paris !
on arrive noir chez la bourgeoise qui vous attend avec ses bigoudis hérissés. Et tout à coup, on se dit que c’est une truie emmerdante, alors on lui fout aussi une baffe et on la secoue pour avoir encore de la bière. Et puis on en a assez, assez de civils, et avant la fin de la perm, on va chez le commandant de région (un vieux de la vieille) pour faire tamponner, ses papiers. Y a plus qu’une idée, rentrer à la compagnie !
Nous hochons la tête. Barcelona a raison, La guerre aura duré trop longtemps, personne ne veut plus de nous, personne ne nous comprend plus.
– C’est vrai, murmura le petit légionnaire pensif. Tu rêves d’une vie tranquille après la guerre. Ah ! ouiche ! Renonce tout de suite. T’as qu’à revenir avec moi voir les poules de Sidi-Bel-Abbès ; la République française est accueillante.
Un long hurlement qui vous met les nerfs à vif… Tout le monde disparaît dans les abris. La terre se soulève tel un mur vers le ciel.
Barrage. Et ça dure deux heures, deux heures de démence, puis ça s’arrête aussi brusquement que ça a commencé. Le ciel est noir de poussière et de fumée. Attention ! On dévisse les capsules des grenades à main, on installe les mitrailleuses.
Les voilà ! Huit Churchill avancent vers les ruines du village suivis de fantassins écrabouillées par les chars. Je vois Barcelona et Gregor saisir chacun leur tuyau de poêle ; Barcelona s’agenouille, place son tuyau sur son épaule, vise tranquillement le Churchill le plus proche, appuie sur la détente… Coup au but. Le char se casse en deux. Gregor atteint l’angle de la tourelle, et l’équipage est tué par le souffle de l’explosion. Heide saute sur un Churchill arrêté et froidement place sa bombe magnétique sur la tourelle, puis il s’engouffre dans un trou de grenade, tandis que nous le couvrons de nos mitrailleuses.
Explosion terrifiante. Tout saute. Les autres Churchill font demi-tour pendant que l’infanterie se terre, mais la fuite des chars met Petit-Frère en fureur. Il s’apprêtait à en faire sauter un, et il jette sa poignée de grenades. Sept ficelles de corps à corps ornent sa manche ; un nouveau char, et c’était la ficelle d’or, une distinction rare. Notre hercule a démoli vingt-neuf chars à coups de grenades et de cocktails Molotov, et la plupart du temps, on ne survit pas au troisième char, mais Petit-Frère porte autour de son cou une amulette, la peau d’un chat dont il a fait une fricassée à Varsovie ; il est convaincu que ça le rend invulnérable.
Nouvelle attaque des Anglais qui sont bien décidés à passer. En un tournemain, trois de nos mitrailleuses sont détruites. Mais Petit-Frère a une montagne de grenades à côté de lui, et notre M. G. est camouflée de telle façon que nul ne peut l’apercevoir.
– Laisse-les venir tout près, chuchota le légionnaire, alors on aura tout le tas d’un coup.
« Viens, douce mort, viens » chantonnait-il à son habitude, le chant célèbre de la Légion. L’ennemi avance… sur toutes les manches, un écu rouge portant une marmotte : c’est un des régiments fameux du général Montgomery, le 9 e grenadier de la Garde.
– Du calme, du calme, chuchote le légionnaire : laisse-les approcher. Ces pisseurs vont voir ce que c’est que la vraie guerre.
Au même moment se rendait un groupe de nos lanceurs de grenades.
– On devrait les abattre, grince le légionnaire.
Les Anglais très sûrs d’eux plaisantent et se promènent dans les ruines. Nous guettons… Pas un bruit. Petit-Frère a attaché ses grenades par deux, la bouche de la mitrailleuse se montre à peine dans la fente d’un mur. Nous entendons des cris de victoire :
– Ces damnes Krauts se débinent !
Je presse la crosse contre mon épaule, mon doigt s’approche de la détente ; Petit-Frère tient le cordon d’allumage entre ses dents. Distance trente mètres.
– Feu ! commande le légionnaire
Feu d’enfer. Les deux 42 crachent en même temps, les grenades sifflent. Pour la dixième fois, je change de pipe’. Le temps s’arrête. La première caisse de grenades à main est vide ; nouvelle bande de balles. Tout marche bien mais si la mitrailleuse s’enraye, nous sommes perdus, l’ennemi s’est abrité et nous tire dessus. Devant nous, un tas de cadavres, ceux des novices ; les seuls qui réchappent d’une attaque sont les vieux durs à cuire comme nous. Il n’y a pas de pardon.
Le recul de
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