Liquidez Paris !
des chemins. « Sabotage » crie-t-on à tue-tête. Lentement, l’énorme colonne se met en mouvement vers le sud, mais c’est au croisement Haderslev-Tönder que ça commence à aller vraiment mal. Un Oberstabszahlmeister innocent arrive justement avec sa colonne de munitions destinées aux lourdes batteries côtières du Jutland. Soudain, son camion se trouve coincé entre deux Panzers qui grincent et s’entrechoquent. « Sabotage ! » Sans autre forme de procès, on colle le malheureux Oberstabszahlmeister contre un arbre et on le fusille. Il s’est sûrement trompé de direction. Du coup, la colonne de munitions destinées aux batteries lourdes de la côte est envoyée à une division d’infanterie de réserve en Fionie. Seulement, trois semaines plus tard, on est très étonné de ne pouvoir faire entrer des grenades de 21 cm dans des canons de campagne de 10,5, et l’artillerie de marine postée sur les falaises s’amuse royalement quand elle palpe des grenades de 10,5 au lieu des 21 cm réclamées.
« Sabotage » crient tous les états-majors.
– C’est encore la Résistance ! hurle un colonel apoplectique.
Quelques malheureux otages sont fusillés. Il faut bien que quelqu’un trinque. A l’aube, la tête de la 20 e division blindée entrait dans Neumunster. Ici, la surprise fut à son comble : sur les rails de chargement ne se trouvaient que douze vieux wagons de marchandises français. Au même instant, toutes les routes étaient bloquées par la 19 e division de chars, et quelqu’un avait aussi envoyé du Jutland de l’Est la 233 e Panzer Division de réserve. On avait vidé jusqu’au camp de prisonniers Soder Omme.
Sur des kilomètres de route, tout grinçait, tout ferraillait. « Sabotage ! » annonçaient les dépêches au S. S. Reichsführer. Des ordres brefs atteignirent le Brigadenführer Bovensippen, à Copenhague. On remplit quelques camions d’otages. Le petit Brigadenführer savait très exactement ce qu’il fallait faire pour calmer Berlin. Les état-major du Jutland et ceux de Fionie n’en menaient pas large ; quant aux officiers responsables de la gare de Neumunster, ils furent exécutés sans plus tarder. Dans une bonne moitié de l’Europe, on cherchait des wagons pour transporter deux divisions blindées : quatorze mille véhicules attendaient, prêts au combat.
Depuis trois semaines, un gamin de douze ans condamné à mort attendait à la prison de Fresnes. Il avait volé le revolver d’un soldat allemand au coin du boulevard Saint-Michel et de la place de la Sorbonne.
La mère de l’enfant, désespérée, avait remué ciel et terre pour le faire gracier : elle put atteindre jusqu’à l’officier de liaison du commandant du Grand Paris, et, le Dr Schwanz présenta lui-même l’affaire au général von Choltitz.
– Qu’on ne m’ennuie pas avec ces bagatelles, cria le général en repoussant le dossier. J’ai des choses plus importantes sur les bras. Renvoyez ça au conseil de guerre, il s’occupera de l’affaire.
Le lendemain, un garçon de douze ans tombait sous les balles à Vincennes. Aucun général ne devient célèbre pour avoir sauvé d’une exécution un gamin de douze ans. On le devient au contraire si l’on peut convaincre la postérité que vous avez sauvé une ville de la destruction.
PEUT-ON SAUVER PARIS ?
BIEN chapitré, le général von Choltitz rentra à Paris. L’atmosphère devenait de plus en plus sombre. Le nombre des désertions s’accroissait de façon catastrophique. En une seule soirée, quarante et une condamnations à mort de Résistants furent signées, et les salves crépitèrent dans les cours des prisons en commençant par les communistes.
Un matin à l’aube, deux officiers du front se présentèrent chez le commandant du Grand Paris : l’un était un major général borgne portant l’uniforme noir des blindés, l’autre un jeune capitaine de pionniers expert dans la pose des mines. Tous deux sont des spécialistes de la destruction des villes et des combats de rues. A la porte du bureau, une grande pancarte : « Entrée rigoureusement interdite. » C’est la fin de Paris qui se prépare ici.
Au même moment, une conférence non moins secrète se tenait dans un appartement de l’avenue Victor-Hugo. Le Hauptmann Bauer, l’un des officiers de l’amiral Canaris, mettait un diplomate surnommé « Farin » au courant de ce qui se tramait.
– Monsieur « Farin », déclara
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