Liquidez Paris !
l’insu de Barcelona, Petit-Frère empocha toute une poignée de gros cigares. D’un air entendu, il sourit à Porta, referma la porte, et glissa un petit bout d’allumette dans la serrure.
– Qu’est-ce que tu fais ? demanda Barcelona très étonné.
– Et ça se dit feldwebel ! Apprends, trou du cul, que je n’ai ouvert qu’une fois dans ma vie une porte sans avoir examiné d’abord la serrure. Ça m’a coûté neuf mois de tôle. Ce crétin avait mis un bout d’allumette dedans. Tu parles si maintenant si j’y fais attention ! Je l’ai eu le Hauptfeldwebel. Il ne connaît pas encore l’Obergefreiter Wolfgang Creutzfeld, de Hambourg Altona. Si demain en rentrant dans son terrier il n’avait plus trouvé son bout d’allumette, y aurait eu du vilain, mais à présent il peut coller son gros derrière dans le fauteuil et roupiller tout son compte.
– Ce que tu es épatant ! s’exclama Barcelona avec admiration.
Pendant ce temps-là, Porta et moi entrions dans la cellule du jeune Juif auquel nous apportions un manteau. Il se dressa, effaré.
– Du calme, du calme, dit Porta. Tu quittes la propriété.
– Vous allez me tirer une balle dans le dos !
– Mouche-toi donc imbécile ! Tu ne comprends donc pas qu’on vient t’aider ! Si vous autres, Résistants à la manque, vous n’avez pas plus de plomb dans la cervelle, alors ça vaut les amis d’Adolf. Maintenant tâche de piger : la porte est ouverte ; dès que nous sommes sortis, tu prends le couloir, tu fais semblant d’aller aux chiottes, mais tu descends l’escalier aussi en douce qu’en vitesse. Si par hasard quelqu’un vient, tu retournes aux chiottes et tu ne comprends rien à rien. Compris ? Quand tu es arrivé au rez-de-chaussée, tu sors par la petite porte de gauche. Dehors, tu te caches dans les autres chiottes, et à la seconde où le projecteur s’éteint, tu te grouilles et tu files vers le mur. Tu as juste deux minutes. Si la paix n’est pas signée entre-temps, le projecteur se rallume, et c’est la tournée des sentinelles ; une double ronde. Tu t’y mêles, et aux types de se débrouiller pour le reste ! Mais je te préviens : si tu es pris on te descends. Pas envie de se faire trouer la peau pour toi.
Assez nerveux, nous regagnâmes la salle de garde et le garçon fila dans le couloir ; il s’arrêta un instant près de l’escalier, écouta, puis descendit sans bruit et ouvrit doucement la première lourde grille avec un coup d’œil inquiet. La grille de la cour grinça légèrement ce qui fit blêmir Barcelona.
– Seigneur ! si l’officier arrive maintenant.
– Alors fais une prière, rigola Porta en grattant sa tignasse rousse.
Au poste de garde, le Vieux eut un geste pour indiquer que la voie était libre ; le type venait de sortir. Rapidement, nous verrouillâmes les portes, ce qui nous sauvait, et soudain, tous les projecteurs s’éteignirent. Ça c’était l’œuvre de Gregor Martin lequel, en compagnie du sous-off qui ne se doutait de rien, avait trouvé bon comme par hasard de tripoter les fusibles. Bien entendu, il s’y prenait on ne peut plus mal. Engueulade du sous-off à la grande joie de Gregor qui jeta les plombs par terre. Le sous-off gesticulait de fureur.
– Alors débrouille-toi tout seul, crétin ! cria Gregor en rentrant au poste de garde.
La lumière revint, mais personne n’avait aperçu la silhouette qui s’aplatissait à trois cent mètres de là contre le mur de six mètres de haut. Le garçon ne comprenait toujours pas. C’était inimaginable ! S’attendre à être fusillé le lendemain et se voir en route pour la liberté… un rêve trop beau.
Des pas lourds, le cliquettement des armes… le doigt de lumière crue tourne, s’arrête, monte le long du mur, éclairant une rangée de fenêtres situées bien au-delà. Des yeux aigus guettent derrière les mitrailleuses. Quelqu’un siffle doucement dans l’enceinte de la cour : c’est une chanson française que le garçon connaît bien. Et les casques d’acier luisent dans le noir, ces casques allemands haïs. Même un visage de saint deviendrait menaçant sous ce casque. La double garde passe… il se glisse entre les hommes. Lentement la garde continue le long du mur, et le doigt lumineux effleure la patrouille que mènent le légionnaire et le fahnenjunker Gunther Sœst.
Gunther jure de nervosité ; c’est la deuxième fois qu’il fait ce coup-là, et dés la première, il avait
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