Liquidez Paris !
commandement de la Résistance. Du colonel allemand et du général français, ce fut à qui rivalisa de cruautés, de manque de scrupules, et de brutalités. Une vague de terreur s’abattit sur le pays : miliciens poignardés, pendus, étranglés, centres administratifs allemands incendiés, colonnes de ravitaillement liquidées, sentinelles assassinées, voies qui sautaient. Des sections militaires bien disciplinées, conduites par des officiers français, attaquèrent à Bourg-en-Bresse, en plein jour, le local de la Gestapo et liquidèrent les fonctionnaires d’une balle dans la nuque.
A cela s’ajoutaient les criminels : vols et rimes crapuleux, œuvres de bandits poursuivis aussi bien par les Allemands que par les Français. Plus tard, on déclara qu’il s’agissait le plus souvent de déserteurs allemands, d’Espagnols rouges, de fuyards de la V e armée italienne. Quand ces gangsters se faisaient prendre on les exécutait sans jugement et leurs corps étaient jetés à la voirie.
CHEZ « VESTE ROUGE » A MONTMARTRE
I l est planqué à Malakoff, expliqua « Veste Rouge ». Pour l’avoir, pas de problème, mais l’amener jusqu’ici ! Rien que d’y penser j’en ai la chiasse mais ça doit tout de même être possible.
– Tout est possible, déclara Porta d’un ton péremptoire.
Barcelona eut l’idée d’un transport en camion avec un faux ordre de route, mais cette idée fut dédaigneusement repoussée.
– A mon avis, dit Porta, y a qu’une façon de faire : transport de Malakoff à Montmartre à pied, comme une troupe de combat.
– Tu es cinglé ! s’exclama Heide. Si les chiens de garde nous mettent la main dessus… – Il se passa la main sur la gorge. – Paragraphe spécial 114. Tiens ! C’est trop bête.
Le Vieux se gratta derrière l’oreille avec sa pipe :
– Julius a raison, ce serait idiot.
« Veste Rouge » se leva pour accueillir des clients ; un grand tablier blanc lui enveloppait les jambes ; ses cheveux (une véritable meule de foin) ne faisaient qu’un avec sa barbe de sauvage. Par-dessus son chandail à col roulé, il avait passé un cardigan rouge sombre, et chantonnait Sous les ponts de Paris avec une bonne figure toute ronde, luisante de graisse. Il prenait le menton d’une jolie fille, plissait les paupières, en prenait une autre, faisait un tour de-valse, la lâchait et elle atterrissait sur les genoux de Petit-Frère.
Le bistrot, avec ses bancs étroits et ses vieilles tables usées, puait la révolution, le marché noir et les indicateurs, mais Porta était là dans son élément. D’instinct (cet instinct d’enfant des grandes villes) il avait trouvé un collègue parisien.
« Veste Rouge » revint auprès de nous, porté par l’odeur de graillon qui arrivait de la cuisine. Deux serveuses faisaient glisser les assiettes pleines le long des tables ; le vin et la bière coulaient à flots. L’hospitalité de « Veste Rouge » était célèbre.
– Faire tant d’histoires pour rien ! dit Petit-Frère agacé, c’est comme la lune. On le prend, on l’assomme et on l’embarque, c’est tout.
– Ils ont des armes ? demanda Porta.
– S’ils n’en avaient pas, ce seraient de fiers imbéciles, répondit le cabaretier.
– Alors tout est simple, reprit Petit-Frère presque à haute voix. On descend tout ce qui se montre.
_ Tais-toi donc, grogna Heide en mettant sa main sur la gueule de Petit-Frère. Mais quel con ! Y a eu assez d’histoires comme ça depuis l’affaire de l’évasion. Et c’est pas fini ! Bien content de ne pas en avoir été ! La Gestapo passe la ville à l’aspirateur pour savoir qui sont les nocturnes qui sont venus aider le prisonnier. Un type un peu malin pourra bien découvrir ce qui s’est passé.
– -Le Hauptfeldwebel en est pas remis ! dit Porta hilare. Sans ça il n’aurait pas dévoilé ses pensées quand Löwe et lui nous ont interrogés. Le sous-off nous a aidés sans s’en apercevoir. Dire qu’il a juré avoir vu ce rejeton de Juif dans le transport de l’après-midi ! C’était impossible, puisqu’à ce moment-là, il était avec moi aux chiottes en train de jouer aux dés. Il s’ensuit, les gars, que le prisonnier n’a pas disparu de chez nous mais en cours de transport, ou dans l’antre de la Gestapo. Et notez vous autres, que ce sont les chiens de garde qui s’occupent de l’affaire, et qu’ils détestent le S. D. l » (Service de
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