L'Ombre du Prince
reine.
CHAPITRE V
Sans autres contusions internes, le petit Djéhouty
se remit vite de son choc et put, grâce aux bons soins de Neb-Amon, courir à
nouveau aux côtés de ses compagnons.
Certes, Séchât avait fait prévenir son ami le
Grand Prêtre Hapouseneb, par l’intermédiaire de Méryet, qu’il fallait installer
une garde permanente auprès des sanctuaires d’Anubis afin que nul vol de
documents ou de bijoux n’intervînt.
Mais, que pouvait-elle faire d’autre pour
aider son ami le Grand Prêtre d’Amon, alors qu’elle devait partir pour Bouhen,
dès que le khamsin aurait soufflé sa puissance destructrice sur le paysage
brûlé d’Égypte ?
C’était la fin de l’année scolaire et la
grande résidence de Bouhen qui lui venait de son grand-père, feu le général
Nekbet, Grand Scribe du premier des Thoutmosis, attendait tranquillement comme
à chaque début d’Akhit la petite famille de Séchât.
Mais, la vie intensive que Neb-Amon menait à l’hôpital
l’empêchait d’accompagner Séchât, son fils et la jeune Satiah et le médecin
devait les rejoindre à Bouhen dès que son travail le lui permettrait.
Ce fut donc dans une joie à demi teintée de
regret que Séchât donna l’ordre à son personnel de préparer les bagages.
Trois embarcations attendaient les chargements
sur le bord du Nil qu’une crue, cette année-là, n’avait pas encore effleuré de
ses résultats bienfaiteurs. Les récoltes seraient médiocres et très inférieures
à celles des années précédentes. L’humidité indispensable ne s’était pas assez
répandue, n’emplissant ni canaux ni rigoles avoisinantes, asséchant tous les
terrains éloignés du Nil, étouffant les quelques herbes qui, par endroits,
tentaient de pousser.
Partout, cette année-là, le sol dur, trop
réchauffé par le soleil, n’engendrait que des touffes d’herbes jaunies et des
plaques brûlées que, seuls, les cailloux venaient garnir.
Le ciel gardait cette opacité violente et
bleue comme un implacable mur d’azur à la limite de l’intransigeance la plus
absolue.
En cette saison du début d’Akhit, la
navigation n’était pas dangereuse, d’autant plus que les eaux du Nil étaient
basses. Les trois embarcations de Séchât restaient immobiles sur le fleuve et
les quilles ne s’enfonçaient que peu profondément, laissant leurs extrémités
largement relevées.
Le premier des bateaux, le plus grand, contenait
les animaux favoris dont la jeune femme et les enfants ne voulaient pas se
séparer. Chevaux, chiens et chats étaient donc du voyage. Il y avait même Kity,
le petit singe de Satiah et Princesse, la lionne que Séchât avait rapportée du
Pays du Pount.
Les animaux, à l’exception de Kity qui courait
sans arrêt d’une embarcation à l’autre, étaient enfermés dans des cages
solidement fermées.
Le second bateau contenait les bagages, les
vêtements, les objets, les denrées alimentaires.
Quant au troisième, il était agréablement aménagé
pour un séjour prolongé sur le fleuve. La proue et la poupe se relevaient avec
grâce et le bastingage offrait toutes les possibilités d’admirer tranquillement
un site dont les yeux des Égyptiens ne se fatiguaient jamais.
— Cachou, il n’est pas nécessaire d’emporter
les jouets de Rekmirê. Bouhen enferme suffisamment de trésors pour que mon fils
y trouve les distractions qui devraient l’occuper du lever au coucher du
soleil.
Elle s’assura que la maison était en ordre. Il
ne restait que le peu de personnel nécessaire à assurer la marche et l’entretien
des lieux durant toute son absence. Avec un peu de chance Neb-Amon viendrait
les retrouver dans quelques semaines à peine.
— Maman, fit Satiah qui, depuis deux
jours, était très excitée pour avoir vu l’armée de Thoutmosis quitter Thèbes en
direction de la Nubie, nous côtoierons peut-être les derniers fantassins des
troupes. Thouty m’a expliqué comment on formait le bataillon avant et le
bataillon arrière.
— Peut-être, répondit Séchât d’une voix
distraite.
— Maman, s’écria Satiah, tu ne m’écoutes
pas !
La jeune femme se tourna vers sa fille.
— Si ma chérie. Mais, tu vois bien que je
suis préoccupée par ce départ. Que diras-tu s’il nous manque, là-bas, la
plupart des choses, d’autant plus que l’année passée, nous n’y sommes pas
allés.
— Pourquoi, maman, nous n’y sommes pas
allés ? s’enquit le petit Rekmirê.
À cet âge,
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