L'Ombre du Prince
n’ai pas à vous révéler ce que j’ai
à lui dire. Mais, sachez que les propos que je vais lui tenir vont tant la
déstabiliser qu’elle me suppliera de tenir le silence.
— Chantage, alors ? fit Nekmin,
suspicieux.
— Si ce mot te plaît, appelle cela ainsi.
*
* *
Satiah tapa le sol de son pied avec colère.
— Je veux que tu reçoives Nekmin et
Menkeper. Ce sont les compagnons de Thoutmosis, ceux qui, avec Amennheb, Amtou
et Néférouben, feront l’Égypte de demain.
— Ma petite fille, fit Séchât d’un ton
calme. Je reçois qui je veux. Ici, je suis à Bouhen, chez moi.
— Et moi, je suis ta fille et je suis
aussi chez moi. Tu dois accepter les capitaines de Thoutmosis.
— Les capitaines, oui. Du moins, si tu
parles de Khety et Dydou.
Satiah repoussa d’un geste nerveux la mèche de
cheveux noirs qui balayait son visage, puis desserrant les dents et poussant un
soupir agacé, elle jeta :
— Qu’as-tu contre Nekmin et Menkeper ?
— Ce sont deux ennemis de la reine.
L’adolescente haussa les épaules.
— Maman, Hatchepsout ne peut pas rester
pharaonne sa vie entière. Il est temps qu’elle abdique. Désormais, la place
revient à Thoutmosis.
— Et pourquoi, je te prie ?
Hatchepsout n’est pas morte, il me semble.
Satiah se planta devant sa mère. À nouveau,
ses joues s’empourprèrent et la colère reprenait le dessus. Elle agita ses bras
et les posa sur ses hanches retenues par une large ceinture de lin blanc à
laquelle pendait un lien d’or.
— Ainsi, tu crois que le peuple attendra
la mort de la reine pour nommer Thoutmosis Grand Pharaon des deux Égyptes ?
— Bien sûr, fit Séchât tranquillement.
— Alors, tu te trompes lourdement.
La jeune fille haussa les épaules d’impuissance
et de colère. Sa mère tenta de lui prendre la main, mais elle la retira
brusquement. Dieu d’Amon ! Que ce bouillonnement intense dans l’esprit de
sa fille la tourmentait ! Pourquoi canalisait-elle si mal son énergie et
son intelligence ?
— Je recevrai les capitaines d’armée de
Thoutmosis. Mais certainement pas deux hommes qui n’hésiteraient pas à me jeter
plus bas que terre s’ils en avaient l’occasion.
— Qui te fait croire ça ?
— Nekmin est à la solde du vieil Antef et
celui-ci m’a cruellement touchée autrefois.
— Parce qu’il est à l’origine du rapt
dont ma petite personne a fait les frais ? ironisa Satiah. Tu n’avais qu’à
m’élever toi-même au lieu de courir l’Égypte avec ton titre de Grande
Intendante des Artisans.
— Satiah ! reprocha tristement Séchât.
Me reprocheras-tu donc toujours le choix qu’autrefois j’ai fait ?
— Toujours et toujours !
À nouveau, elle voulut lui prendre la main,
mais la jeune fille restait butée.
— Si tu ne reçois pas tous les compagnons
de Thoutmosis, je m’enfuirai avec lui et j’irai vivre dans le campement
cantonné à Soleb.
Elle frappa du pied.
— Et tu ne me verras plus, reprit-elle en
retenant ses larmes.
— Satiah ! Que dis-tu ? Tu
agirais comme une simple fille de plaisirs. Mais que crois-tu donc ? Que
Thoutmosis te respecterait au milieu d’un camp de soldats ?
Elle se jeta contre sa mère et la frappa de
ses poings. Puis, se calmant subitement, elle se mit à pleurer doucement.
— Pourquoi refuses-tu donc toujours ce
que je te demande ? hoqueta-t-elle en enfouissant son nez dans l’épaule de
sa mère.
Séchât soupira. C’était toujours ainsi que les
colères de sa fille se terminaient. De grandes envolées de rage et d’impuissance
suivies d’un accès de tendresse.
— Parce que tu réclames continuellement
ce qu’une petite fille ne peut avoir.
— Je ne suis plus une petite fille !
dit-elle en s’écartant brusquement.
— Allons, Satiah. Essayons de voir
ensemble ce que nous pouvons faire. Si j’héberge…
Elle se tourna brusquement au bruit que
faisait Maâthor en entrant dans la chambre.
— Deux coursiers du prince sont arrivés,
fit-elle en haletant bruyamment tant elle s’était pressée.
— Thoutmosis est là ! cria Satiah,
les yeux brillants. Parle, Maâthor. Voyons parle !
— Le prince arrive avec ses deux
capitaines, poursuivit Maâthor en reprenant son souffle.
Elle passa sa main dans la chevelure de l’adolescente,
prit son menton entre ses doigts et l’observa quelque temps.
— Ta mère a raison, calme-toi, ma reine.
Calme-toi.
Encore une fois, Séchât admira la
Weitere Kostenlose Bücher