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L'ombre du vent

L'ombre du vent

Titel: L'ombre du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carlos Ruiz Zafón
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ressemblance avec le général Yagüe.
    – Elles font le compte, dit Fermín. Mon Espagne a trois saintes.
Sainte Pimbêche, sainte Cafarde et sainte Nitouche. Nous avons transformé ce
pays en cirque.
    – Et comment ! confirma le conducteur. On était
mieux avec Azaña. Et ne parlons pas de la circulation. Y a de quoi être
dégoûté.
    Un passager installé à l’arrière rit, amusé par cet
échange d'opinions. Je reconnus l'homme qui s'était assis à côté de nous dans
le café. Son expression laissait supposer qu'il était du même bord que Fermín,
et qu'il aurait aimé le voir continuer d'asticoter les bigotes. Je croisai
brièvement son regard. Il m'adressa un sourire cordial et se replongea dans son
journal. Arrivés rue Ganduxer, je vis que Fermín, pelotonné en boule sous sa
gabardine, se payait un petit somme, bouche ouverte et visage béat. Quand il se
réveilla en sursaut, l'autobus filait au milieu des promeneurs élégants du
cours San Gervasio.
    – Je rêvais du père Fernando, me dit-il. Seulement, dans
mon rêve, il portait un maillot d'avant-centre du Real Madrid et se tenait à
côté de la coupe de la ligue, qui brillait comme de l'or pur.
    – Et alors ?
    – Et alors, si Freud dit juste, ça signifie que le curé
a probablement marqué un but dans notre camp.
    – Il m'a pourtant paru honnête.
    – Oui, c'est vrai. Trop même, peut-être. Parce que,
d'habitude, les prêtres qui ont l'étoffe de saints, on les envoie tous comme
missionnaires se faire bouffer par les moustiques ou les piranhas.
    – Vous exagérez.
    – Bienheureuse innocence que la vôtre, Daniel. Vous
gobez tout ce qu'on vous raconte. Tenez, par exemple : le boniment que
vous a fait avaler Nuria Monfort à propos de Miquel Moliner. Pour moi, cette
dame vous a servi plus de mensonges qu'un éditorial de L'Osservatore
Romano. Ne découvrons-nous
pas maintenant qu'elle est mariée à un ami d'enfance d'Aldaya et de
Carax ? Vous vous rendez compte ? Et là dessus, voilà que nous avons
droit à l'histoire de Jacinta la bonne nounou : elle est peut-être
véridique mais elle rappelle quand même trop un roman d'Hector Malot. Pour ne
pas parler de la spectaculaire entrée en scène de Fumero dans le rôle du
méchant tueur.
    – Donc vous croyez que le père Fernando nous a
menti ?
    – Non, je suis comme vous, je le crois honnête, mais il
ne porte pas son uniforme pour rien, et il s'est gardé quelques grains de son
chapelet sous la soutane, si j'ose dire. A mon avis, s'il nous a menti, c'est
par omission et par discrétion, pas par méchanceté ou pour nous embrouiller. De
plus, je ne le vois pas capable d'inventer une histoire aussi compliquée. S'il
savait mieux mentir, il ne donnerait pas de cours de latin et d'algèbre ;
il serait déjà à l'archevêché avec le titre de cardinal et des petits gâteaux
pour accompagner son café.
    – Que suggérez-vous, alors ?
    – Tôt ou tard, nous devrons aller déterrer la momie de
la petite vieille angélique et la secouer par les talons pour savoir ce qui en
tombera. Pour le moment, je vais faire quelques recherches, histoire de voir ce
que je peux dégoter sur le dénommé Miquel Moliner. Et ça vaudrait aussi la
peine de se pencher sur le cas de cette Nuria Monfort, qui me semble bien être
ce que ma défunte mère appelait une faiseuse d’embrouilles.
    – Vous vous trompez sur son compte, protestai-je.
    – Oh, vous, il suffit qu'on vous montre une paire de
nichons bien balancés, et vous croyez aussitôt avoir vu sainte Thérèse de
l'Enfant Jésus, ce qui, à votre âge, est bien excusable. Laissez-moi m'en
occuper, Daniel, les suaves effluves de l'éternel féminin ne me font pas
tourner la tête comme à vous. A mon âge, le sang irrigue plus facilement la
tête qu'il ne descend dans les parties molles.
    – Quel langage choisi !
    Fermín sortit son porte-monnaie et procéda à son
inspection.
    – Vous avez là une fortune, dis-je. Et tout ça vient de
la monnaie de ce matin ?
    – En partie. Le reste est légitime. C'est qu'aujourd’hui
je sors ma Bernarda. Je ne peux rien refuser à cette femme-là. S'il le faut, je
donnerai l'assaut à la Banque d'Espagne pour satisfaire tous ses caprices. Et
vous, quels sont vos plans pour la suite de la journée ?
    – Rien de particulier
    – Et cette petite ?
    – Quelle petite ?
    – Ne faites pas l'idiot. Quelle petite ça pourrait
être ? Je vous parle de la sœur d'Aguilar.
    – Je ne sais pas.
    – Vous

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