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L'ombre du vent

L'ombre du vent

Titel: L'ombre du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carlos Ruiz Zafón
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entendre des pas au
rez-de-chaussée. Je pensai que Bea venait d'arriver et parcourait la villa à ma
recherche. Je quittai la chapelle avec soulagement et repris la direction de
l'escalier. J'allais remonter, quand j'aperçus à l'autre bout du couloir une
chaudière et une installation de chauffage apparemment en bon état qui
semblaient incongrues dans ce sous-sol abandonné. Je me souvins des paroles de
Bea : la société immobilière qui avait essayé en vain de vendre la villa
Aldaya avait réalisé quelques travaux d'amélioration dans le but d'attirer les
acheteurs potentiels. Je m'approchai pour examiner l'installation plus en
détail et constatai qu'il s'agissait d'un système de radiateurs alimentés par
une petite chaudière. Je trouvai plusieurs seaux de charbon, des morceaux de
bois et quelques bidons que je supposai pleins de pétrole. J'ouvris la porte du
foyer et inspectai l’intérieur. Tout paraissait en ordre. Je jugeai peu
probable que cet engin puisse encore fonctionner après tant d'années, mais je
remplis quand même le foyer de charbon et de bois, dûment arrosés de pétrole.
Sur ces entrefaites, je crus percevoir un craquement de charpente et, un
instant, je regardai derrière moi. Je fus assailli par la vision des pointes
ensanglantées qui se détachaient de la croix et, face aux ténèbres, je tremblai
à l'idée de distinguer, à quelques pas seulement de moi, la figure de ce Christ
venant à ma rencontre en arborant un sourire de loup.
    Au contact de la bougie, la chaudière s'alluma d'un
coup, et la flamme jaillit dans un grand fracas métallique. Je refermai la
porte du foyer et reculai, de moins en moins certain du bien-fondé de mes
tentatives. Le tirage de la chaudière semblait difficultueux, et je décidai de
remonter au rez-de-chaussée pour voir si mon initiative était suivie d'un effet
quelconque. Je gravis l'escalier et retournai dans le grand salon en espérant y
trouver Bea, mais il n'y avait aucune trace d'elle. J'estimai qu'une heure
s'était écoulée depuis mon arrivée, et mes craintes que l'objet de mes troubles
désirs ne vienne jamais prirent une tournure de douloureuse vraisemblance. Pour
calmer mon inquiétude, je décidai de poursuivre mes exploits de spécialiste du
chauffage central et partis à la recherche de radiateurs. Tous ceux que je
trouvai confirmèrent surtout la vanité de mes efforts. Ils étaient aussi froids
que des icebergs. Tous sauf un. Dans une petite pièce de quatre ou cinq mètres
carrés au plus, un cabinet de toilette situé, me sembla-t-il, juste au-dessus
de la chaufferie, une certaine chaleur était perceptible. Je m'accroupis et
constatai avec joie que le carrelage était tiède. C'est là que Béa me trouva, à
genoux pour tâter le carrelage comme un imbécile, arborant le sourire stupide
de l'âne qui voulait jouer de la flûte.
     
     
    En examinant le passé et en tentant de reconstituer les
événements de cette nuit-là, l'unique excuse qui me vient à l'esprit pour
justifier mon comportement est de rappeler qu'à dix-huit ans, quand on manque
de subtilité et d'expérience, un vieux cabinet de toilette peut parfois vous
apparaître comme un paradis. Deux minutes me suffirent pour convaincre Bea que
nous devions prendre les couvertures du salon et nous enfermer dans ce réduit
avec pour seule compagnie deux bougies et des chandeliers dignes d'un musée.
Mon principal argument, climatologique, fit rapidement son chemin chez Bea, et
la faible chaleur qui émanait du carrelage dissipa sa crainte première que mon
expédient ne mette le feu à la maison. Après, dans la pénombre que la flamme
des bougies teintait de rouge, tandis que je la déshabillais de mes doigts
tremblants, elle souriait en cherchant mon regard et en me démontrant bien que,
désormais, quoi que je puisse imaginer, elle l'avait déjà imaginé avant moi.
    Je me la remémore, assise, le dos contre la porte fermée,
les bras ouverts, les mains tendues vers
moi. Je me souviens de sa manière de garder la tête bien droite, avec un air de défi, pendant
que je lui caressais la gorge du bout
des doigts. Je me souviens du
moment où elle a pris mes mains, les
a posées sur ses seins, de son regard et
de ses lèvres qui ont frémi quand j'en ai pris les pointes entre mes doigts pour les
pincer doucement. Je me sou viens du moment où elle s'est laissée glisser sur le sol tandis que je cherchais son
ventre de mes lèvres, et je me souviens de ses cuisses

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