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L'ombre du vent

L'ombre du vent

Titel: L'ombre du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carlos Ruiz Zafón
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Je
sentis sur ma nuque une étreinte glacée. C'était le sarcophage d'un enfant. Je
me trouvais dans une crypte.
    Sans me rendre compte de mes actes, je m'approchai de la
dalle de marbre, suffisamment près pour pouvoir la toucher. Je vis alors que
les deux cercueils portaient, gravés, un nom et une croix. Un manteau de
cendres les dissimulait. Je posai la main sur le plus grand. Lentement, comme
en transe, sans plus réfléchir, je balayai le dessus du cercueil. J'eus du mal
à lire dans l'obscurité que la flamme de la bougie faisait rougeoyer.
     
     
    …
    PENELOPE ALDAYA
    1902-1919
     
     
    Je restai paralysé. Quelque chose ou quelqu'un se
déplaçait dans l'ombre. Je sentis l’air glacé glisser sur ma peau et alors,
seulement, je reculai de quelques pas.
    – Hors d'ici ! murmura la voix dans l'ombre.
    Je la reconnus sur-le-champ. Laín Coubert. La voix du
diable.
    Je me précipitai dans l'escalier, saisis Bea par le bras
et l'entraînai en hâte vers la sortie. Nous avions perdu la bougie, et nous
courions en aveugles. Bea, terrifiée, ne comprenait pas mon subit affolement.
Elle n'avait rien vu. Elle n'avait rien entendu. Je ne perdis pas temps en
explications. Je craignais à chaque instant que quelque chose ne bondisse de
l’ombre pour nous barrer le chemin, mais la porte principale nous attendait au
bout du couloir, ses fentes projetant un rectangle de lumière.
    – Elle est fermée, chuchota Bea.
    Je fouillai mes poches à la recherche de la clef. Je me
retournai une fraction de seconde, et j’eus la certitude que deux points
brillants avançaient lentement vers nous du fond du couloir : des yeux.
Mes doigts trouvèrent la clef. Je l’introduisis dans la serrure avec l’énergie
du désespoir et poussai violemment Bea dehors. Elle dut lire la peur dans ma
voix, car elle courut vers la grille et ne s’arrêta que lorsque nous nous
retrouvâmes tous deux sur le trottoir de l’avenue Tibidabo, hors d’haleine et
couverts de sueur froide.
    – Que s’est-il passé dans la cave, Daniel ? Il y
avait quelqu’un ?
    – Non.
    – Tu es tout pâle.
    – Je suis tout pâle. Marchons.
    – Et la clef ?
    Je l’avais laissée à l’intérieur, dans la serrure. Je ne
me sentais aucune envie de retourner là-bas.
    – Je crois que je l’ai perdue en sortant. Nous reviendrons
la chercher un autre jour.
    Nous nous éloignâmes dans l’avenue au pas de
gymnastique. Nous ne ralentîmes qu’à une centaine de mètres de la villa, dont
la silhouette était à peine visible dans la nuit. Je m’aperçus alors que ma
main était encore tachée de cendres, et rendis grâces au manteau d’ombre
nocturne qui cachait à Bea les larmes de terreur le long de mes joues.
    Nous
descendîmes la rue Balmes jusqu’à la place Núñez de Arce, où nous trouvâmes un
taxi solitaire. Nous ne prononçâmes pas un mot jusqu’à la rue Consejo de
Ciento. Bea m’avait pris la main et, à plusieurs reprises, je la surpris qui
m’observait avec des yeux vitreux, impénétrables. Je me penchai pour
l’embrasser, mais elle ne desserra pas les lèvres.
    – Quand
pourrai-je te revoir ?
    – Je
t’appellerai demain ou après-demain.
    – Tu me le
promets ?
    Elle fit
oui pour la tête.
    – Tu peux
appeler à la maison ou à la librairie. C’est le même numéro. Ru l’as, n’est-ce
pas ?
    Elle fit
de nouveau signe que oui. Je demandai au chauffeur de s’arrêter un moment au
coin des rues Muntaner et Diputación. Je proposai à Bea de l’accompagner
jusqu’à la porte, mais elle refusa et s’éloigna sans me laisser l’embrasser une
dernière fois, ni même lui effleurer la main. Elle quitta le taxi en courant.
Les fenêtres de l’appartement des Aguilar étaient allumées, et je pus voir
distinctement mon ami Tomás qui me guettait de sa chambre où nous avions passé
tant d’après-midi à bavarder ou à jouer aux échecs. Je le saluai de la main,
avec un sourire forcé qu’il ne vit probablement pas. Il ne me rendit pas mon
salut ; Sa silhouette resta immobile, collée à la vitre. Quelques secondes
plus tard, elle disparut, et les fenêtres s’obscurcirent. Il nous attendait,
pensai-je.
     
     
     
     
     
    22
     
     
     
     
     
    A la maison, je
trouvai sur la table les restes d'un dîner pour deux. Mon père n'était plus là,
et je me demandai s'il ne s'était pas enfin décidé à inviter Merceditas. Je me
glissai dans ma chambre sans allumer. A peine m'étais-je assis sur le bord du
lit que je

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