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L'ombre du vent

L'ombre du vent

Titel: L'ombre du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carlos Ruiz Zafón
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m’écouta, fasciné, mais malgré son insistance
titanesque, je refusai de lui d’écrire la consistance, la texture et la
disposition du buste de Bea. La journée s’écoula sou la pluie.
    Après le dîner, sous
prétexte de faire quelques pas pour me dégourdir les jambes, je laissa mon père
à sa lecture et me dirigeai vers la demeure de Bea. Je m’arrêtai au carrefour
pour contempler les fenêtres et me demander ce que je faisais là. Espion,
voyeur, ridicules, furent quelques-uns des qualificatifs qui me vinrent à
l’esprit. Mais aussi dépourvu de dignité que de manteau pour me protéger de la
température glaciale, je m’abritai sous un porche et restai près d’une
demi-heure. Pas trace de Bea.
    Il était presque
minuit quand je rentrai à la maison, grelottant e portant tout le poids du
monde sur mes épaules. Elle appellera demain, me répétai-je mille fois, en
tentant de trouver le sommeil. Bea n’appela pas le lendemain. Ni le
surlendemain. Ni de toute la semaine, la plus longue et la dernière de ma vie.
     
     
    Sept jours, c’est
assez pour mourir.
     
     
     
     
     
     
    23
     
     
     
     
    Seul un homme qui n’a
plus qu’une semaine à vivre est capable de gaspiller son temps comme je le fis
ces jours-là. Je le passai à surveiller le téléphone et me faire un sang
d’encre, à ce point prisonnier de mon propre aveuglement que j’étais incapable
de deviner ce que le destin me tenait en réserve. Le lundi à midi, je me rendis
à la faculté de Lettres, place de l’Université, dans l’intention de voir Bea.
Je savais que cela ne lui ferait sûrement pas plaisir de m’y rencontrer, ni
qu’on nous surprenne ensemble en public, mais je préférais encore affronter sa
colère plutôt que prolonger cette incertitude.
    Je demandai au
secrétariat où se trouvait la salle de cours du professeur Velázquez et
attendis la sortie des étudiants. Je patientai quelque vingt minutes, puis les
portes s’ouvrirent pour laisser passer la figure arrogant et guindée du
professer Velázquez, entouré comme d’habitude de sa petite cour d’admiratrices.
Cinq minutes plus tard, Bea était toujours invisible. Je décidai de m’approcher
des portes de la salle pour jeter un coup d’œil. Un trio de filles à l’allure
de groupe paroissial bavardaient et échangeaient des notes de cours ou des
confidences. Celle qui paraissait la cheftaine de la congrégation s’aperçut de
ma présence et interrompit son monologue pour me mitrailler d’un œil
inquisiteur.
    – Excusez-moi, je
cherchais Beatriz Aguilar. Savez-vous si elle a assisté à ce cours ?
    Les filles échangèrent
un regard venimeux et se mire en devoir de me radiographier.
    – Tu es fon
fiancé ? demanda l’une. L’aspirant ?
    Je me bornai à lui
offrir un sourire vide qu’elles prirent pour un assentiment. Seul me le rendit
la troisième, avec timidité et en détournant les yeux. Les deux autres me
toisèrent.
    – Je ne t’imaginais
pas comme ça, lança celle qui semblait être à la tête du commando.
    – Et ton
uniforme ? demanda sa lieutenante, en m’observant avec méfiance.
    – Je suis en permission.
Savez-vous si elle est déjà partie ?
    – Beatriz n’est pas
venue au cours, m’informa la cheftaine, d’un air de défi.
    – Ah, non ?
    – Non, confirma la
lieutenante, pleine de doutes et de soupçons. Tu devrais le savoir, puisque tu
es son fiancé.
    – Je suis son fiancé,
pas un gendarme.
    – Bon, allons-nous-en,
c’est un crétin, conclut la cheftaine.
    Toutes deux passèrent
devant moi en m’adressant un regard sournois et un demi-sourire dégoûté. La
troisième resta à la traîne, s’arrêta un instant avant de sortir et, après
s’être assurée que les autres ne la voyaient pas, me glissa à l’oreille :
    – Beatriz n’est pas
venue non plus vendredi.
    – Sais-tu
pourquoi ?
    – Tu n’es pas son
fiancé, n’est-ce pas ?
    – Non. Seulement un
ami.
    – Je crois qu’elle est
malade.
    – Malade ?
    – C’est ce qu’a dit
une fille qui l’a appelée chez elle. Maintenant, il faut que je file.
    Avant que j’aie pu la
remercier de son aide, la fille était partie rejoindre ses compagnes, qui
l’attendaient à l’autre bout de la cour en la foudroyant du regard.
     
     
    – Daniel, il a du se
passer quelque chose d’imprévu. Une vielle tante est morte, un perroquet a
attrapé les oreillons, ou elle-même s'est enrhumée à force de se promener si
souvent les fesses à

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