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L'ombre du vent

L'ombre du vent

Titel: L'ombre du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carlos Ruiz Zafón
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figurines en bois. Du plus loin qu'ils
l'apercevaient, certains élèves du collège se moquaient de lui et lui lançaient
des pierres. Un jour, Julián fut si peiné de voir un caillou lui ouvrir le
front et le faire choir sur le gravier, qu'il décida de lui venir en aide et de
lui proposer son amitié. Javier pensa d'abord que Julián venait l’achever, sous
les quolibets des autres.
    – Mon nom est Julián, dit-il en lui tendant la main. Mes
amis et moi, nous allions faire une partie d'échecs sous les pins, et je me
demandais si tu aurais envie de t e joindre à nous.
    – Je ne sais pas jouer aux échecs.
    – Il y a encore quinze jours, moi non plus je ne savais pas. Mais
Miquel est un bon professeur...
    Le garçon le regarda avec méfiance, s'attendant d’un moment
à l’autre aux moqueries, à l'attaque sournoise.
    – Je ne sais pas si tes amis voudront de moi...
    – Ce sont eux qui ont eu l'idée. Qu'en dis-tu 
    Dè s lors, Javier rejoignait le groupe quand il avait finit ses corvées. Il
restait sans parler, écoutant et observant les autres. Aldaya en avait un peu
peur. Fernando, qui avait subi dans sa chair le mépris des autres du fait de
ses humbles origines, se dépensait en amabilités envers le garçon énigmatique.
Miquel Moliner, qui lui enseignait les rudiments des échecs et l'observait d'un
oeil clinique, était le moins convaincu de tous.
    – C'est un cinglé. Il chasse les chats et les pigeons, et
il les martyrise pendant des heures avec son couteau. Après, il les enterre
sous les pins. Charmant !
    – Qui t'a dit ça ?
    – C'est lui-même qui me l’a raconté l’autre jour, pendant
que je lui enseignais le gambit du cavalier. Il m'a dit aussi que sa mère le
prend parfois dans son lit la nuit, et le tripote.
    – Il t'a dit ça pour te faire marcher.
    – Je ne crois pas. Ce type est maboul, Julián, et ce n'est
probablement pas sa faute.
    Julián faisait un effort pour ignorer les avertissements et
les prophéties de Miquel, mais c'était vrai que nouer une relation amicale avec
le fils du concierge n'était pas facile. Yvonne, en particulier, ne voyait pas
Julián ni Fernando Ramos d'un bon œil. De toute cette troupe de jeunes
messieurs, ils étaient les seuls sans le sou. On disait que le père de Julián
était un humble boutiquier et que sa mère n'avait jamais réussi à être plus
qu'une répétitrice de musique.
    « Ces gens n'ont pas de classe, ils ne sont ni riches
ni élégants, mon chéri, le chapitrait-elle. Celui qui te convient c'est Aldaya,
qui vient d'une famille bien. – Oui, mère, répondait-il, c'est comme vous
voudrez. » Avec le temps, Javier parut faire un peu plus confiance à ses
nouveaux amis. Il lui arrivait de desserrer les dents, et il sculpta un jeu
d'échecs pour Miquel Moliner, en guise de remerciement pour ses leçons. Un beau
jour, alors que personne ne croyait plus que c'était possible, ils découvrirent
que Javier savait sourire et qu'il avait un joli rire clair, un rire d'enfant.
    – Tu vois, c'est un garçon tout à fait normal, faisait
valoir Julián.
    Pourtant Miquel Moliner ne se le tenait pas pour dit, et
continuait d'observer le garçon avec une méfiance et une distance quasi
scientifiques.
    – Javier est fasciné par toi, Julián, dit-il un jour. Tout
ce qu’il fait, il le fait pour obtenir ton approbation.
    – Quelle bêtise ! Il a un père et une mère pour ça;
moi je ne suis qu’un ami.
    – Tu es un inconscient, oui ! Son père est un pauvre
type tout juste capable de trouver ses fesses quand il va cabinets, et Mme
Yvonne est une harpie avec une cervelle de puce qui passe ses journées à poil
en faillit semblant de rien, convaincue d'être Sarah Bernhardt ou quelque chose
de pire encore que je préfère ne pas mentionner. Le gosse, comme il se doit, se
cherche un substitut, et toi, ange sauveur, tu tombes du ciel et lui tends la main. Saint Julián de la Fontaine, patron des
déshérités.
    – Ton docteur Freud te pourrit le cerveau, Miquel. Nous
avons tous besoin d'amis. Y compris toi.
    – Ce garçon n'a et n'aura jamais aucun ami. Il a une âme
d'araignée. L'avenir nous dira si j'ai tort. J'aimerai bien connaître ses
rêves...
    Miquel Moliner ne soupçonnait guère que les rêves de Javier
étaient plus semblables à ceux de son ami Julián qu’il ne l'aurait cru
possible. Un jour, plusieurs mois avant l'entrée de Julián au collège, alors
que le fils du concierge était en train de ramasser les feuilles

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