Londres, 1200
leur place étant, selon
lui, avec les chevaliers normands et non à protéger des hérétiques. Henry était
d’accord, car il va toujours dans le sens de son maître, mais Regun ne le
voulait pas et encore moins Godefroi qui s’est pris de passion pour Jeanne, la
servante de Jehan.
— Que vas-tu faire ?
— Rien ! répliqua Locksley, agacé.
Ranulphe doit apprendre à servir. S’il veut devenir chevalier, il doit trouver
seul le difficile chemin de l’honneur.
Ils n’en parlèrent plus.
Neuf jours après avoir quitté Lussac, ils purent
enfin se ravitailler aux Buis, une grosse ferme fortifiée que Brandin avait
délaissée. Le fermier ne savait pas lire, mais la vue des laissez-passer des
voyageurs avec leurs gros sceaux de cire, et l’assurance qu’il serait payé avec
des deniers d’argent, lui donna confiance. Il leur vendit de l’orge et du
seigle, des fèves, des choux récoltés le mois précédent et du fourrage. Mais
surtout il les laissa passer la nuit dans les fenils et écuries de la ferme.
Chacun s’installa au mieux, car il y avait
beaucoup de place. Les familles restèrent ensemble et les couples s’isolèrent.
Le lendemain matin, comme ils s’apprêtaient à
repartir, Jeanne et Julienne, les deux servantes cathares, s’aperçurent que Penine,
la servante de Noël de Champeaux, n’était pas là.
Ils l’appelèrent, pensant qu’elle s’était éloignée
pour des besoins naturels, puis commencèrent à la chercher. Les femmes
s’étaient toutes levées avant l’aurore pour ranimer le feu, et aucune ne se souvenait
de l’avoir vue. Les hommes cherchèrent à leur tour et vinrent demander de
l’aide au laboureur et à ses gens. Sans succès. Ils partirent finalement
fouiller le bois proche, sans plus de résultats. Penine ne possédait rien,
sinon une deuxième chemise qu’elle avait laissée dans une charrette. Elle avait
complètement disparu.
Passé midi, Guilhem décida de partir. La servante
avait-elle fui ? Avait-elle été enlevée dans la nuit ? Gilbert,
l’archer saxon, qui cherchait toujours à la mugueter, avait été le plus actif
dans les recherches et il voulait continuer, mais, le désespoir au cœur, il
obéit aux ordres de son seigneur et reprit la route avec les autres.
En chemin, Guilhem s’entretint avec Locksley de
l’étrange disparition. Il n’y voyait qu’une explication : Perrine était
restée à la ferme des Buis, ou les gens de la ferme l’avaient enlevée pour en
faire une esclave. Le seul moyen de le savoir aurait été de fouiller la maison
forte et de faire parler ses habitants sous la torture, mais s’ils ne l’avaient
pas retrouvée, ils auraient commis une injustice. Ils décidèrent d’être plus
vigilants à l’avenir.
Après plusieurs jours de marche, ils n’eurent de
nouveau plus rien pour se nourrir sinon le produit de la chasse. Mais ils
seraient bientôt en vue de Bellac, leur avait promis Guilhem. Entourée d’une
solide muraille flanquée de tours et dominée par le château des comtes de La
Marche, c’était une ville considérable ayant résisté dans le passé à un siège
du comte d’Aquitaine.
Pourtant, en s’approchant, Guilhem observa avec
inquiétude que les vignes qui faisaient la richesse de la petite cité étaient
abandonnées. Peu après, ils virent monter vers le ciel d’épaisses volutes de
fumée noire.
Chapitre 4
D urant
le mois de juin, le sort des armes avait été défavorable à Arthur de Bretagne.
À la fin de juillet, sa mère et lui avaient dû trouver refuge à Paris, tandis
que son capitaine, Guillaume des Roches, s’efforçait d’obtenir une trêve avec
son oncle Jean.
On l’a vu, Philippe Auguste soutenait les
prétentions d’Arthur. Il le faisait parce qu’il avait été l’ami de son père
Geoffroi, le comte d’Anjou que l’on surnommait le Beau de son vivant et qui
était mort à Paris dans un tournoi donné en son honneur. Mais le jeune Arthur
était aussi un atout maître dans la partie que les rois de France jouaient
contre les Plantagenêts depuis cinquante ans.
Obtenir l’allégeance vassalique d’Arthur et de ses
barons, c’était, à terme, agrandir le petit royaume d’Île-de-France de la
Bretagne et de l’Anjou. Plus encore, si Arthur devenait roi d’Angleterre et
s’il épousait sa fille Marie, Philippe Auguste pouvait récupérer toute la
Normandie, l’Aquitaine, et voir ses droits définitivement reconnus sur le
Limousin, l’Angoumois et
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