Londres, 1200
Rassemblez
l’ost, noble roi, et nous le balayerons ainsi que ses suppôts ! Je suis
certain que ceux qui le suivent l’abandonneront au premier affrontement et que
ce couard se réfugiera en Angleterre.
Comme toujours, Montfort était partisan de la
manière forte.
Si le roi parut satisfait de la philippique de son
baron, il se tourna quand même vers Cadoc, car il se fiait plus à la science
militaire du mercenaire qu’à la témérité hasardeuse de son baron.
— Qu’en penses-tu, Lambert ?
Cadoc posa sa main gauche sur sa courte épée, en
travers de son torse, et eut un regard rusé, tempéré comme toujours par un air
de fausse bonhomie.
— Montfort a raison, le roi Jean est faible
et lâche, mais son armée est forte et valeureuse. La victoire ne serait pas
certaine face aux gens de Mercadier, de Brandin et de Falcaise.
Malgré l’agacement de Montfort, Philippe Auguste
approuva du chef, faisant signe à Robert de Meulan de parler.
— La misère règne dans vos campagnes, sire.
Vous savez que je serai le premier à me battre pour vous, mais si nous pouvons
éviter de faire encore plus souffrir le peuple de France…
— C’est un argument que j’entends, dit le
roi. Le bonheur de mon peuple m’est cher et je sais combien la guerre lui
coûte, même si je dois quand même augmenter les tailles. Opines-tu à cela,
Hamelin ?
— Vous demandez déjà un lourd tribut à votre
peuple, sire. Les bourgeois de Paris murmureront si on exige d’eux d’autres
impôts. La construction de l’enceinte leur coûte bien cher et j’ai du mal à
leur faire payer un guet plus nombreux.
— Les bourgeois payeront si je l’ordonne, car
ils savent que j’agis pour leur bien ! répliqua sèchement Philippe. Les
Anglais sont à Vemon, à Andely. Ils pourraient être à Paris en une journée. Le
royaume ne connaîtra pas la tranquillité tant que je n’aurai pas toute la
Normandie.
Après ce brusque accès de colère, il se tourna
vers le chevalier hospitalier :
— Tu n’as rien dit, sage frère Guérin ?
Le plus jeune des conseillers du roi de France
avait un visage hâve avec des yeux noirs profondément enfoncés sous ses arcades
sourcilières. Quoi qu’il entende, frère Guérin gardait physionomie posée. Il
savait, par des chevaliers du Temple, que les peuples et les seigneurs de
l’Anjou, du Maine, et du Poitou n’étaient nullement prêts à soutenir les droits
d’Arthur par les armes. Ils s’étaient ralliés à lui uniquement pour se séparer
de Jean et obtenir une liberté pour laquelle ils avaient longtemps combattu
Henri II et son fils Richard.
Mais l’hospitalier était avant tout un diplomate
qui ne pouvait reconnaître cette évidence devant Constance et son fils.
— J’opine à ce que viennent de dire le prévôt
Hamelin et le comte de Meulan, noble sire. En l’absence d’un soutien militaire
des partisans d’Arthur, j’approuve leur prudence.
— Je me doutais de vos avis, mes amis, aussi
ma décision était prise. Je signerai la trêve, mais je ne resterai pas inactif,
puisque Jean veut aussi en profiter pour poursuivre ses manigances et nouer des
alliances contre moi. En janvier, dame Aliénor ira chercher la jeune princesse
Blanche en Castille et la conduira à Bordeaux avant le mariage qui aura lieu au
printemps.
« Pendant ce temps, frère Guérin et Robert de
Meulan prépareront les éléments du traité de paix à discuter cet automne, mais
je ne changerai rien aux promesses que j’ai faites à Arthur et à sa mère. Quand
il aura quinze ans, Arthur sera adoubé chevalier et recevra en mariage ma
fille, la princesse Marie. S’il me rend hommage pour l’Anjou, le Poitou et la
Touraine, je l’aiderai loyalement à reprendre ces provinces.
« Maintenant, dame Constance peut nous parler
de ce qu’elle m’a appris.
Les regards se tournèrent vers la duchesse de
Bretagne.
— Le noble seigneur de Furnais est sur le
point d’obtenir la preuve que mon fils Arthur est l’héritier légitime du trône
d’Angleterre, dit-elle d’une voix étonnamment ferme.
Devant les expressions d’étonnement des
conseillers du roi, elle fit signe à Furnais de parler.
Très intimidé, celui-ci se leva pour s’incliner
devant le roi. C’était un homme dans la trentaine, au visage fin et au corps
plutôt frêle, mais pourtant un combattant valeureux. De plus, il avait bien
administré la ville et le pays d’Angers quand il en avait été gouverneur
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