Londres, 1200
mais ils ne virent pas ceux qu’ils attendaient.
Déçus, ils revinrent vers le moulin. Une haute
construction carrée, en bordure de la rivière, avec une grande roue à eau
moussue qui tournait dans un perpétuel clapotis.
Il n’y avait aucune ouverture apparente dans le
bâtiment principal, hormis une voûte fortifiée à deux toises du sol que l’on
empruntait uniquement par un pont dormant en bois. Deux échauguettes d’angle,
avec des archères, couvraient la campagne alentour.
Plus loin, sur la rive, se dressaient des granges
où travaillaient quelques frères lais. Une cloche d’alerte retentit comme ils
s’approchaient.
Ils avancèrent avec prudence et sans agressivité.
Les religieux avaient certainement leurs propres gardes et un carreau
d’arbalète était vite parti. Un moine, jeune et vigoureux, sortit par le pont
dormant et vint au-devant d’eux. Tonsuré très court, en aumusse sombre avec une
simple corde à la taille, il tenait un bâton noueux.
— Loué soit Jésus-Christ, mon père, le salua
Robert de Locksley.
— Dieu soit avec vous, seigneurs, répondit
l’autre prudemment.
— Nous arrivons de Hereford et nous
poursuivrons demain jusqu’à la mer, mon père, mais il pleut trop pour
continuer. Nous offrez-vous l’hospitalité dans une de vos granges ? Nous
payerons notre écot et nous avons nos provisions.
— Nous avons une salle pour les voyageurs et
les pèlerins, seigneurs. Vous y serez au sec, je vais vous conduire.
C’était le dernier bâtiment. Une salle basse à la
charpente de grosses branches à peine dégrossies couverte de paille et de
joncs. Les fumées du foyer central s’évacuaient par un trou dans le toit. Le
sol était en terre et le moine chassa les poules qui s’étaient installées. Les
araignées avaient tendu leurs toiles partout. Robert de Locksley donna un penny
d’argent au religieux. Hommes et chevaux passeraient la nuit ensemble.
Pendant que Cédric et Bartolomeo s’occupaient des
montures et que le Flamand allumait un feu avec des fagots entreposés dans un
coin, Locksley prépara avec des couvertures un endroit où sa femme pourrait se
changer.
Guilhem, lui, ressortit à cheval. Empruntant un
sentier entre les aulnes et les peupliers, il gagna l’embouchure de la Deptford
avec la Tamise. La rive était assez haute. Il la suivit jusqu’à un vieux chêne
dont le lierre et les lichens couvraient le tronc noueux.
Ayant attaché son cheval à une branche, il grimpa
sur une branche basse et aperçut des barques et des nefs, à rames ou à voile,
qui montaient ou descendaient, observant que toutes devaient passer devant la
Deptford à cause du banc de sable. Au bout d’une heure, il entendit des
chevaux. C’était Locksley accompagné de Cédric. Bartolomeo était resté avec sa
sœur.
— Sont-ils là ?
— Non, j’espère que le capitaine de l’Anatasie ne nous aura pas oubliés, dit Guilhem plus soucieux qu’il ne voulait le
paraître. Sinon on prendra une barque des moines.
Ils mangèrent un morceau de pain de seigle et
burent une gourde d’ale. Le reflux se faisait sentir quand ils aperçurent une
embarcation qui s’approchait à la rame. Un homme était debout à l’avant. À un
jet d’arbalète, Guilhem reconnut Castets, le pilote de l ’Anatasie, puis
Lopès et Ydron qui ramaient. Soulagé, il leur fit signe.
La barque s’approcha de la rive.
— Voulez-vous qu’on rentre dans la Deptford,
seigneur ? demanda le pilote à Guilhem.
— Oui, maître Castets. Il y a une crique bien
dissimulée plus loin. Vous y passerez la nuit…
Il ajouta :
— Vous n’étiez pas obligé de venir vous-même.
Lopès et Ydron étaient suffisants.
— J’ignore ce que vous voulez faire,
seigneur, mais je peux être utile. Moi aussi, je vous dois la vie.
Les marins conduisirent la barque à l’endroit que
Guilhem avait choisi, une anse ombragée de saules et de peupliers où se
dressait la hutte d’un pêcheur. Ils amarrèrent la barque et le rejoignirent sur
la berge. Là, Guilhem leur expliqua ce qu’il attendait d’eux.
Locksley repartit le matin vers Londres alors que
l’aube perçait.
Quand il revint, après avoir désorganisé le convoi
qui partait pour la France et vu la barque de Dinant s’éloigner, Locksley
retrouva ses compagnons et les marins de l’Anatasie près du grand chêne.
Équipés et armés, ils regardaient passer les nefs qui descendaient le cours du
fleuve.
— La barque de
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