Londres, 1200
Dinant venait de partir quand
j’ai quitté Londres, annonça Locksley. Elle sera là dans moins d’une heure.
— Celle-là est la troisième qui passe, dit
Guilhem en désignant une grande nef à la voile rouge, à trois cents pieds
d’eux.
On apercevait les palefrois attachés sur le pont
et les hommes d’armes appuyés aux rambardes. Des chevaliers en haubert se tenaient
sur le château arrière.
— Cédric, viens avec moi. Nous allons nous
mettre plus haut, dit Locksley. Guilhem, la nef de Dinant porte une oriflamme
avec des tours crénelées. Au demeurant, on ne peut se tromper, car il n’y en
aura pas d’autres derrière.
Les Saxons s’éloignèrent et Guilhem resta sur la
rive avec Bartolomeo et le Flamand. L’ancien tisserand avait peur, mais il
essayait de ne pas le montrer. Quant à Bartolomeo, il espérait que Robert de
Locksley et Cédric feraient tout le travail.
Sur les nefs qui passaient, quelques passagers
leur faisaient des signes amicaux, pensant qu’ils étaient là par curiosité.
Là où ils s’étaient placés, Locksley et Cédric
pouvaient voir jusqu’au premier méandre. Le temps était clair. Ils virent enfin
arriver la nef à l’oriflamme aux tours crénelées. Elle était précédée d’une
autre barque qu’ils laissèrent passer.
À moins de deux cents pieds, alors que la nef de
Dinant entrait dans le chenal, Locksley lâcha la première flèche qui atteignit
le pilote.
Puis ils tirèrent sans se presser, visant les
hommes d’armes et les seigneurs à bord, mais évitant celui qui tenait le
gouvernail et les rameurs. Ils touchèrent en premier ceux qui se trouvaient sur
le château arrière. Très vite, ce fut la terreur sur le bateau. Saisis d’effroi
devant ces ennemis invisibles, incapables de riposter, plusieurs hommes se
jetèrent à l’eau et se noyèrent. Les hurlements et les cris provoquèrent la
panique des chevaux. Bien qu’attachés, certains brisèrent leurs entraves et
franchirent les plats-bords, tombant dans la rivière. Quant aux fuyards qui
parvenaient à la rive, les deux Saxons les abattaient comme dans une chasse au
canard.
L’affolement était tel qu’à leur tour les rameurs
abandonnèrent leur banc de nage sous le château arrière, mais ils furent
aussitôt atteints par des flèches.
Entraînée par le courant, la nef était
complètement désemparée. Arrivée devant la Deptford, la barque à voile conduite
par le pilote de l’Anatasie sortit et s’approcha du grand bateau. Elle
fut à couple rapidement et Guilhem grimpa le premier à bord.
Un homme blessé se précipita avec une hache. Il le
frappa d’un coup de taille. Rouge de sang, le pont était couvert de cadavres et
de blessés agonisants. Bartolomeo et Jehan rejoignirent leur seigneur, mais
n’eurent pas à se battre.
Maître Castets monta derrière eux et prit la barre
pour éviter un échouage. Pendant ce temps, Guilhem avait désigné l’écoutille
qui conduisait à la cale pour que Bartolomeo et Jehan aillent voir à
l’intérieur, puis il avait grimpé sur le château arrière.
Un homme se relevait, s’appuyant sur le plat-bord.
La flèche dans son torse avait percé son haubert. Sa cotte, brodée d’une tour
crénelée, était tachée de sang.
Guilhem reconnut Étienne de Dinant.
L’âme damnée de Jean l’avait aussi reconnu. Son
visage douloureux trahit la surprise, puis l’épouvante.
— Vous ! murmura-t-il.
Guilhem d’Ussel s’approcha et arracha l’épée à la
garde argentée pendant à sa taille pour la jeter dans la rivière. Dinant
n’essaya même pas de se défendre. Les yeux vitreux, sa vie s’échappait.
— Nous les avons trouvés dans la cale,
seigneur, s’exclama Bartolomeo, grimpant à son tour sur le gaillard arrière.
Ils sont vivants, mais le seigneur de Furnais porte des chaînes aux pieds. Le
Flamand cherche la clef.
À ces paroles, Guilhem ressentit un immense
soulagement. Puis il aperçut la chaînette et la clef attachées à la ceinture de
Dinant.
— Elle est là, Bartolomeo, dit-il.
L’écuyer s’approcha du Normand qui la lui laissa
prendre.
— Comment avez-vous fait ? demanda
Dinant.
À ce moment, Ranulphe monta à son tour sur le
château, brandissant une épée. Guilhem surprit un éclair d’espoir dans le
regard de Dinant et se retourna.
— Ranulphe ! C’est à toi que nous devons
cette victoire, sourit Guilhem.
— Merci, seigneur, fit Ranulphe d’une voix
morne, baissant les
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