Londres, 1200
ses écuyers :
— Foulques, va t’occuper des gens de Guilhem.
Qu’ils logent dans l’hôtellerie et qu’on leur serve à dîner. Gaillard (il
s’adressa à son intendant), je veux un magnifique banquet ce soir, en l’honneur
de nos invités. Préviens les cuisiniers, les sauciers et les panetiers.
Ensuite Raymond de Saint-Gilles sortit le
parchemin et entreprit de le lire avec attention.
Les relations entre le comte de Toulouse et le roi
de France avaient connu bien des vicissitudes, allant parfois jusqu’à la
rupture. Le comté était un fief attribué par les rois de France et Philippe
Auguste ne manquait jamais de rappeler à Raymond qu’il était son vassal. Mais
les comtes de Toulouse se disaient souverains « par la grâce de
Dieu », et Raymond, comme son père, avait toujours insisté sur cette
indépendance, sans cependant aller trop loin, car le lien de vassalité le
protégeait malgré tout de ses redoutables voisins, les Anglais et les Catalans.
Cependant, le mariage de Raymond avec la sœur de
Richard Cœur de Lion avait provoqué un brusque refroidissement entre les deux
hommes, Raymond ayant même laissé quelques-uns de ses chevaliers rejoindre les
armées des Plantagenêts. Mais maintenant que Richard était mort, Philippe
Auguste rappelait à Raymond sa fidélité et lui demandait de ne pas s’engager
auprès du roi Jean. Le roi de France n’avait pas de moyen de contraindre son
vassal, mais il lui proposait un pacte contre les empiétements du Saint-Siège
sur leur autorité réciproque. En vérité, le courrier était chaleureux et
Raymond en fut soulagé. Il manquait d’alliés et les menaces d’Innocent III l’incitant à sévir contre les cathares
étaient de plus en plus impérieuses.
Il replia lentement le parchemin, songeant à la
réponse qu’il ferait.
— Maintenant, Guilhem, raconte-nous !
fit-il.
— Je vais laisser mon ami Robert commencer,
seigneur, car c’est avec lui que tout a débuté…
Locksley expliqua rapidement qu’il était venu en
France demander l’aide d’Aliénor au sujet des impôts trop lourds que lui
réclamait le grand trésorier de la cour d’Angleterre. Il avait ensuite
accompagné la mère du roi à Châlus et, à la mort de Richard, avait été accusé
de vol et s’était enfui.
Cela, Raymond de Saint-Gilles le savait puisque
Anna Maria l’avait raconté quand, au printemps, elle était venue demander
l’aide de Guilhem.
Robert de Locksley raconta ensuite comment, à
Paris, il avait découvert que le carreau d’arbalète ayant tué Richard avait été
empoisonné par des templiers anglais à la solde du comte de Mortain, le prince
Jean. Puis comment, ayant aidé un hérétique à s’évader, il avait dû se cacher,
protégé par les tisserands cathares de la capitale.
Raymond posa alors plusieurs questions sur ces
tisserands, ignorant jusque-là qu’il y avait des bons hommes à Paris, et
dans la salle chacun écouta avec attention, car nombreux étaient ceux qui
suivaient les préceptes de la nouvelle religion.
La suite, ce fut Guilhem qui la narra. Comment
Lambert de Cadoc lui avait appris le projet d’attentat contre le roi de France,
comment il avait été emprisonné par l’official de l’évêché, puis libéré, et la
manière dont il avait retrouvé Robert de Locksley. Puis ce fut le récit du
massacre dans les sous-sols de la tour du Pet au Diable, avec l’arrivée des
gens de Mercadier qui recherchaient la statuette d’or prétendument volée par Robert
de Locksley. Ensuite Guilhem raconta l’arrestation des cathares, d’Anna Maria,
et la façon dont il avait réussi à libérer son ami du donjon du Louvre.
Tout cela était dit en grande partie en occitan,
sur ce ton épique et chantant qu’utilisaient les troubadours, comme si Guilhem
racontait les exploits d’un preux chevalier dans une histoire fabuleuse. Enfin,
il termina par l’attentat de Notre-Dame et laissa la parole à Locksley.
Celui-ci expliqua comment il avait tué le meilleur archer d’Angleterre – à
part lui – puis comment Guilhem avait triomphé contre le Templier félon
dans un duel judiciaire.
Enfin, ce fut la relation de leur voyage et
comment ils avaient vaincu les routiers de Brandin.
Toute l’histoire prit plus d’une heure, et le
temps du souper approchait. Aussi, quand ils eurent terminé, Raymond de
Saint-Gilles se leva.
— Je suis impressionné par vos exploits et
votre courage, mes vaillants chevaliers,
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