Londres, 1200
autres commanderies. Dans un jour ou
deux, j’aurai ici plus de deux cents hommes. Après que le château nous sera
rendu, vous aurez tous les mains tranchées, mais si vous vous livrez
maintenant, je vous laisserai libre.
Le portail s’ouvrit et un chevalier sortit. Cette
fois, c’était Guilhem. Regun était derrière lui, arc tendu, flèche empennée et
carquois à la taille.
— Sire Montaigut, il y a quatre mois j’étais
avec le roi de France, dans son palais de la Cité, répliqua Guilhem d’une voix
forte. Il m’a demandé de lui prêter hommage et, vous le savez, je suis aussi
vassal du comte de Toulouse. Tous deux sont mes suzerains et me protégeront
contre votre ordre.
Il se tut un instant avant d’ajouter en
brandissant un couteau.
— Je possède ce fief. Par cette arme que m’a
confiée Armagnac, j’en suis investi. L’archevêque d’Auch a signé une charte
avec Raymond de Saint-Gilles. Il y a porté son sceau et s’il ne respectait pas
sa parole, qui lui garderait sa foi ? De plus, il serait déclaré félon du
roi de France et du comte de Toulouse. Quant à vous, n’oubliez pas que Philippe
de France a jusqu’à présent protégé votre Ordre. J’ajoute que je connais
personnellement frère Haimard qui a en charge les finances du royaume de
France.
À cent pieds des chevaliers du Temple, la voix
assurée de Guilhem portait loin. En l’écoutant, certains paraissaient
embarrassés.
— Savez-vous ce qui s’est passé à Paris
durant la fête de l’Ascension de Notre Seigneur Jésus ? poursuivit-il.
— Non, répondit Montaigut, un peu déconcerté,
après avoir jeté un regard interrogateur à ses compagnons.
— Un templier, un grand maître de votre
Ordre… a tenté d’assassiner le roi Philippe de France.
— Je ne vous crois pas ! cria
brusquement le commandeur.
— Libre à vous, Montaigut, car vous
l’apprendrez bien assez tôt. Moi, je le sais, j’étais là, et j’ai vaincu en
ordalie dans la cour de l’évêché, devant tous les barons du roi, le templier
félon qui avait manigancé ce crime ; aussi, si vous le souhaitez, nous
pouvons régler notre querelle de la même façon, à la hache et à l’épée.
Montaigut ne s’était pas attendu à ce discours et
hésitait à accepter. Guilhem paraissait bien plus jeune et plus fort que lui… À
moins qu’il ne propose un champion…
— Quand le roi de France, que Notre Seigneur
le protège, apprendra qu’un autre templier s’est attaqué à un de ses vassaux,
l’ordre des pauvres chevaliers commencera à déplaire à Philippe de France. Dès
lors, je ne doute pas un instant que Gilbert Hérail, votre grand précepteur,
vous abandonne en pâture. Quant à Aliénor, elle ne vous défendra pas plus.
À ce moment, Guilhem vit de la fumée monter du
moulin, signe que Locksley s’était rendu maître des lieux.
— Ceux que vous avez laissés au moulin sont
morts ou prisonniers à cette heure, Montaigut, dit-il. J’ai une troupe dans
votre dos qui peut tuer la moitié de vos gens en un instant.
Montaigut se tourna et aperçut la fumée. Il
comprit et devint aussi livide qu’un trépassé.
— Que demandez-vous ? demanda-t-il d’une
voix incertaine.
— Accompagnez-moi dans mon château. Nous
pouvons encore négocier une bonne paix entre nous.
Le commandeur des Templiers de Bordères consulta
les autres chevaliers du regard puis il hocha la tête et suivit Guilhem jusqu’à
la barbacane.
À l’intérieur de la palissade, il fut surpris de
voir tant d’hommes armés. Comme Guilhem, il laissa son cheval et passa à pied
le pont dormant de l’estacade avant d’entrer dans le petit château. Ayant
traversé la minuscule cour, il accompagna Guilhem dans l’escalier à vis qui
conduisait dans la tour. En chemin, Guilhem fit signe à Aignan qui les
attendait.
Ils entrèrent dans la chambre du premier étage. Le
rustique mobilier des templiers était toujours là. Un banc, un lit court et
étroit, entièrement fermé, et dans lequel on entrait par une porte et deux
escabeaux.
Guilhem s’assit sur le banc, le commandeur sur un
escabeau. Aignan arriva derrière eux avec une écritoire.
— Commandeur, commença Guilhem, maître Aignan
que voici est le procureur de mon château. Je lui ai fait préparer une charte
pour régir nos obligations mutuelles. Lisez-la, et si elle vous convient, elle
sera le socle d’une paix entre nous. Nous la signerons solennellement ensuite
dans votre
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