Londres, 1200
que la confiance s’installe entre nous, je
vous payerai même l’ameublement que vous avez laissé ici.
Montaigut resta encore un instant silencieux, puis
hocha du chef.
— J’accepte vos généreuses conditions,
seigneur d’Ussel.
Chapitre 12
L a
paix fut solennellement signée dans l’église des templiers dont l’armée regagna
ensuite la commanderie. Peyre Adhémar, blessé à la jambe, reprit le moulin, et
si pendant plusieurs semaines ses relations avec les gens de Lamaguère furent
glaciales, sinon hostiles, elles s’améliorèrent progressivement.
Dans le petit château, tout le monde était à
l’étroit. Guilhem occupait la minuscule chambre de la tour et Robert de
Locksley, avec son épouse, la chambre supérieure. Des pièces sans feu. Les
autres, dont Bartolomeo, se serraient au-dessus de la grande salle, mais la
plupart des hommes dormaient simplement sur de la paille là où ils trouvaient
un peu de place. Quelques-uns logeaient aussi dans la cahute à l’intérieur de
la palissade. Cette promiscuité et cet inconfort conduisirent Thomas le
cordonnier à proposer à son seigneur la construction de quelques maisons près
de la rivière, sur la même rive que le château, de façon à pouvoir s’y réfugier
rapidement.
Guilhem l’ayant approuvé, ce travail occupa les
hommes jusqu’en décembre. Il fallut couper des dizaines d’arbres, les écorcer
et les transformer en poteaux d’angle, poutres et colombes. L’armature de bois
étant dressée sur des socles de pierre, l’espace entre les colombes et les
poutres fut rempli de galets et d’un torchis de paille et de terre. Chaque
maison n’avait qu’une pièce avec un foyer central et un trou dans le toit pour évacuer
les fumées. Le premier logis fut pour Jehan et sa famille, le deuxième pour
l’un des serfs affranchis qui avait femme et enfants et le troisième pour
l’archer Godefroi qui dut épouser Jeanne, la servante de Jehan le Flamand, le
jour de la sainte Lucie, à l’église templière, car elle était déjà grosse de
plusieurs semaines.
En décembre, Guilhem se rendit avec une escorte
jusqu’au château du comte d’Armagnac, à Lectoure. Géraud d’Armagnac était le
nouveau comte et ne s’intéressait pas au vieux conflit avec le beau-frère de
son père. Il fit bonne figure à Guilhem, accepta son hommage et ne lui demanda
rien d’autre, satisfait seulement que son vassal reconnaisse tenir le fief de
lui et accepte ses droits de haut justicier.
En rentrant à Lamaguère, Guilhem s’arrêta à Auch
pour se faire connaître du nouvel archevêque, Bernard de Sédirac, puisque
Géraud de La Barthe, le cousin du comte d’Armagnac qui avait tant lutté pour
Lamaguère était mort. Mais l’archevêque n’était pas là et Guilhem apprit que
c’était le grand vicaire qui, ignorant les accords pris avec le précédent
archevêque, avait autorisé les templiers à s’installer.
Ainsi tous les protagonistes de la guerre de
Lamaguère avaient disparu et on pouvait penser que cette querelle était
terminée.
Un jour où la neige tombait abondamment, Jehan
suggéra à son seigneur de mieux tirer parti des laines tondues sur les moutons
des manses. Jusqu’à présent, ces laines étaient simplement lavées et
grossièrement filées à la quenouille dans chaque ferme. Ce fil était ensuite
tissé sur place avec un métier vertical, produisant un drap grisâtre, rêche et
épais, qui permettait à peine de faire des chapes et des couvertures.
Si la laine était bien lavée et surtout cardée et
peignée, elle serait plus facilement filée à la quenouille, avait assuré Jehan.
Et si Thomas le cordonnier l’aidait à fabriquer un métier, sa femme et Jeanne
pourraient alors tisser des draps qui, sans atteindre la qualité de ceux de
Paris, pourraient certainement être vendus au marché d’Auch.
Guilhem ayant acquiescé, Thomas le cordonnier
avait d’abord taillé des cardes, c’est-à-dire des planchettes avec des poignées
dotées de dents de bois, puisqu’il n’avait pas de forgeron pour forger des
clous. Jehan le Flamand avait ensuite dû convaincre les femmes des manses de
mieux laver les laines.
À la fin du mois de février, il avait finalement
obtenu des écheveaux satisfaisants. Entre-temps, Thomas avait construit un
métier à tisser très simple et, au début du mois de mars, la première pièce
d’étoffe était sortie de l’atelier. Une fois lavée, grattée et foulée,
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