Londres, 1200
la terre et la
couronne de gloire dans les deux.
— Tu as fait du bon travail, Aignan, fit
Guilhem, satisfait.
Le matin du troisième jour, la porte de la
palissade s’ouvrit et un chevalier du Temple sortit à cheval, en haubert et
camail, avec la cotte d’armes blanche du Temple et la croix rouge à huit
branches. Ceinturon et épée à la taille. Le capuchon de son camail était baissé
et sa tête découverte dévoilait une courte et épaisse chevelure bouclée, d’un
noir de jais. Il affichait le rude visage tanné des combattants de Palestine, avec
un teint sombre comme la nuit, une cicatrice sur la joue et un morceau de nez
en moins.
Il descendit lentement la butte du château, le
temps qu’on aille chercher Guilhem et le seigneur de Locksley.
Guilhem arriva seul, car Locksley patrouillait
autour du château.
— Je suis le commandeur de Preissac, annonça
le Templier d’une voix rauque.
— Vous rendez-vous, commandeur ?
— Nous sommes prêts à partir, mais nous ne
quitterons les lieux qu’avec nos armes et nos chevaux.
— Non ! Vous partirez pieds nus et en
chemise. Je vous autorise pourtant à garder vos manteaux.
— Alors nous nous battrons !
— Mes archers vous décimeront si vous sortez.
Nous n’avons qu’à attendre que vous soyez affamés. J’ai des provisions, et pas
vous.
Guilhem lui tendit la tablette de cire. Preissac
la prit, la lut et son visage se décomposa.
— Vous avez jusqu’à midi pour vous rendre et
rester vivants. Ensuite, vous serez pendus, répéta Guilhem, satisfait.
Il désigna un hêtre un peu plus bas, au bord de
l’eau. On voyait les cordes qu’il avait fait attacher aux branches.
— Nous sommes nobles ! Vous ne pouvez
nous laisser partir sans armes ! cria Pressac, plein de honte.
— Vous avez perdu votre honneur en devenant
des voleurs ! Sans honneur, vous n’êtes rien ! Je vous laisse encore
une heure !
Il lui tourna le dos.
Preissac resta un moment, rouge de désespoir et de
colère. Il balaya du regard les gens d’armes de Guilhem, comme pour y chercher
du réconfort. Mais il ne lut rien dans leurs yeux, sinon une farouche
détermination. Il remonta alors lentement au château.
Un peu moins d’une heure plus tard, le portail
s’ouvrit à nouveau et, quand les assiégeants virent qu’une procession d’hommes
en chemise et nus pieds en sortaient, une immense clameur de triomphe s’éleva.
En tête se trouvait Preissac, revêtu du manteau du
Temple à la croix rouge. Derrière étaient Peyre Adhémar puis trois autres
chevaliers dont celui du moulin, derrière encore suivaient plusieurs frères
servants [29] ,
en manteau brun, et deux frères des métiers venus réparer le château. Puis
c’étaient des novices et enfin des sergents d’armes et des serviteurs. Beaucoup
pleuraient d’humiliation.
Quand Preissac passa devant Guilhem, il tendit sa
main droite et montra le large galon rouge attaché à son poignet.
— Vous savez ce que ça veut dire,
Ussel ? menaça-t-il.
Guilhem hocha à peine la tête.
— Je reviendrai, Ussel, et c’est moi qui vous
pendrai !
Le galon signifiait qu’il avait fait un vœu et
qu’il ne l’ôterait pas tant qu’il ne l’aurait pas réalisé.
Chapitre 11
L e
templier parti, Guilhem et Robert demandèrent à Bartolomeo et à Jehan le
Flamand de les suivre au château.
À l’intérieur de la palissade se dressaient trois
bâtiments en bois : une baraque, une grange vide de fourrage et une écurie
dans laquelle se trouvait une dizaine de chevaux. Une levée de terre appuyée
contre l’enceinte servait à la fois de chemin de ronde et de soutien au mur de
bois.
Au milieu de cette basse-cour, sur une éminence
rocheuse, s’élevait le château. Un massif rectangle de pierre haut de trente
pieds, large de cinquante et long de cent. Sa seule entrée était une ouverture
voûtée à près de deux toises du sol, avec une fosse pleine d’eau au-devant qui
servait d’abreuvoir. C’est là que s’écoulait la source alimentant la fontaine
intérieure. Pour atteindre la porte, on devait donc emprunter une rampe, une
estacade en bois prolongée par une échelle, rentrée en cas de siège.
L’ayant franchie, Guilhem et Robert pénétrèrent
dans une minuscule cour intérieure. En son milieu, et sur toute la longueur, un
mûr fermait un corps de logis de deux étages dont la partie basse, érigée sur
une cave creusée dans la roche, était voûtée en
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