Londres, 1200
demain à Toulouse.
Le comte interviendra s’il se produisait des troubles.
Après cette conférence, Guilhem se rendit donc au
moulin. Peyre Adhémar surveillait le changement d’une roue par un frère
servant. Il avait sans doute déjà entendu parler du départ de Guilhem, car il
lui proposa de parler seul avec lui dans sa chambre qu’il avait à l’arrière du
moulin.
Quand ils furent enfermés dans la pièce blanchie à
la chaux, le chevalier templier lui déclara de but en blanc :
— Une rumeur circule sur votre départ,
seigneur d’Ussel. Un chevalier est arrivé de Paris.
— C’est vrai. Le roi Philippe veut que
j’assiste au mariage de son fils.
— C’est un grand honneur, répondit Peyre
après avoir digéré cette réponse. Reviendrez-vous ?
— Je reviendrai.
Le silence s’installa un instant. Les souvenirs de
l’affrontement de l’automne dernier étaient encore vifs et Peyre boitait
toujours, depuis sa chute de cheval.
— J’ai confié mon château à Aignan et à un
conseil de mes plus fidèles serviteurs, lui annonça Guilhem. Je leur fais
confiance. Je pars demain à Toulouse prévenir Raymond de Saint-Gilles.
Peyre hocha la tête avant de déclarer,
ironiquement :
— Vous craignez que je ne profite de votre
absence…
— L’idée m’en est venue… mais je l’ai
rejetée.
— Pourquoi ?
— Vous m’avez rendu hommage, et les templiers
n’ont qu’une parole… C’est aussi à ce titre que je viens vous parler. Vous
savez que les gens de Mercadier font parfois des incursions jusqu’ici. S’ils
viennent à Lamaguère, vous pourrez trouver abri au château, mais je vous prie
de protéger aussi mes serviteurs.
— Un templier n’a qu’une parole, vous venez
de le dire, et je l’aurai fait, même si vous ne me l’aviez pas demandé,
répliqua sèchement Peyre Adhémar.
— Je ne réclamerai pas de redevance à la
Saint-Michel, lui annonça Guilhem.
— L’ordre des pauvres chevaliers accepte
votre don, répliqua Peyre d’une voix neutre.
— Nous reparlerons de tout cela à mon retour,
fit Guilhem.
— Allez-vous rencontrer frère Guérin et frère
Aimard à Paris ?
— Sans doute, tout comme le roi et
l’archevêque de Reims.
Le Templier aurait voulu en savoir plus, mais il
devinait que ses questions resteraient sans réponses.
— Que le Seigneur vous accompagne, conclut-il
d’une voix terne. Je prierai pour vous.
— J’en aurai besoin, seigneur Adhémar. J’en
aurai besoin…
Guilhem fit un pas vers lui et l’accola d’une
franche brassée. Peyre fit de même, apparemment sans réserve aucune.
Le lendemain, Guilhem partit pour Saint-Gilles
avec Bartolomeo.
Après l’entrevue de la Saint-Hilaire [33] avec Philipe
Auguste, Jean était revenu en Angleterre pour imposer un nouvel impôt de trois
sols sur chaque hyde [34] de terre de son royaume tant il avait besoin d’argent pour ses débauches.
Refusant d’entendre ses barons inquiets du mécontentement qui grondait, il
s’était installé à Rouen où il avait fait chercher Étienne de Dinant.
Il voulait lui parler du mariage de sa nièce
Blanche avec Louis de France.
Bien que jeune, Dinant était un conseiller
apprécié du roi. Huit ans plus tôt, en décembre 1192, Richard Cœur de Lion, au
retour de la Terre sainte, avait été contraint de passer par l’Allemagne pour
rentrer en Angleterre. Malgré son déguisement, car l’empereur voulait se venger
de lui, il avait été reconnu et emprisonné par le duc d’Autriche. Chargé de
fers, le duc l’avait vendu à l’empereur d’Allemagne qui avait réclamé au prince
Jean une rançon de cinquante mille marcs d’argent.
Mais Jean, qui avait toujours détesté son frère,
était encore plus furieux contre lui depuis qu’il savait que Richard avait
désigné son neveu comme successeur. Il avait donc demandé à Dinant de conduire
les négociations de telle sorte qu’elles ne puissent aboutir, proposant même à
l’empereur une récompense pour que le régime de son frère soit si sévère qu’il
finisse par mourir dans sa prison.
Dinant s’était aussi rendu à Paris. Au nom du
prince Jean, il avait offert à Philippe Auguste le Vexin et une part de la
Normandie si le roi de France le soutenait dans ses efforts pour que l’empereur
garde Richard emprisonné.
La haine de Jean envers son frère était tout à
l’avantage de Philippe Auguste qui avait alors occupé une partie de la
Normandie et
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