Londres, 1200
d’Angleterre. Devant eux, il accusa Longchamp
d’avoir abusé du pouvoir. Guillaume avait mécontenté trop de gens pour que
l’accusation soit rejetée. L’assemblée des barons le cita donc à comparaître.
Il s’y refusa et, avec ses hommes d’armes, marcha sur Londres pour se réfugier
dans la Tour.
Robert de Locksley désigna le donjon qu’ils
venaient de dépasser.
— Mais pour destituer Longchamp, le comte de
Mortain avait besoin du soutien des bourgeois de Londres. Pour cela, ses gens
appelèrent les habitants à se rendre au parvis de l’église de Saint-Paul en
faisant sonner la grosse cloche d’alarme. Là, les barons et les prélats
normands firent bon visage aux bourgeois pourtant en majorité saxons, ce qui
n’était pas habituel. Il y eut des harangues et l’assemblée proclama finalement
que le chancelier était destitué. Seulement, en échange du soutien des
bourgeois, Jean dut leur octroyer le droit de former une commune, ce que
Richard leur avait toujours refusé. Les habitants de Londres purent dès lors
choisir leur maire et voter leurs impôts au lieu d’être taillés haut et bas,
comme des serfs. Le comte, les évêques et les barons jurèrent de maintenir
cette commune tant qu’il plairait au roi.
— Et Longchamp ? demanda Guilhem, qui
s’intéressait surtout à la Tour.
— Homme peu courageux, il capitula et
s’enfuit en France. Là, il s’empressa d’écrire au roi Richard que son frère
s’était emparé de ses forteresses et se disposait à usurper son royaume s’il ne
revenait promptement. C’est à la suite de cet avertissement que Richard a
quitté la Palestine. Mais son vaisseau, attaqué par des pirates, le débarqua en
Italie et il dut regagner l’Angleterre par l’Autriche et l’Allemagne. En chemin
il fut reconnu dans une auberge et livré à son pire ennemi, l’empereur, qui
l’enferma dans une de ses forteresses.
— Où il est resté plusieurs mois prisonnier,
poursuivit Guilhem, observant avec surprise que la nef se dirigeait vers le
pont de pierre et non vers la rive proche où elle aurait pu facilement
accoster.
— Oui, car dès que l’arrestation fut connue,
Jean fit tout pour que la rançon ne puisse être rassemblée. Il s’allia aussi à
Philippe de France qui soutint sa félonie puisqu’elle lui permettait de
reprendre la Normandie. Philippe proposa d’ailleurs à l’empereur qu’il lui
livre Richard, ce que la diète des princes allemands refusa. Pendant ce temps,
notre roi souffrait dans sa prison. Il y avait d’ailleurs composé une triste
chanson dans laquelle il se plaignait de l’abandon de ses barons.
— Je la connais ! intervint Guilhem qui
se mit à chantonner d’une voix grave et émouvante :
J’ai
beaucoup d’amis, mais petits sont leurs dons.
La honte sera pour eux si, faute de rançon,
Je reste ces deux hivers prisonnier
Ils le savent bien, mes hommes et mes barons,
Anglais, Normands, Poitevins et Gascons :
Je n’avais pas si pauvre compagnon
Que, faute d’argent, je laissasse en prison.
Je ne le dis pas pour faire aucun reproche
Mais je suis encore prisonnier.
— Chante cette ballade devant les fidèles de
Richard, mon ami, et tu seras porté aux nues ! se mit à rire Locksley qui
poursuivit :
« Néanmoins, le peuple d’Angleterre
collectait sa rançon, moins par amour pour lui que pour éloigner Jean du trône,
car le comte de Mortain poursuivait ses intrigues. C’est à cette époque qu’il
obtint le soutien du commandeur du Temple de Londres, Albert de Malvoisin, et
de Lucas de Beaumanoir, le grand maître de l’Ordre en Angleterre [46] . Il était même
persuadé que son heure était arrivée, ignorant que sa mère Aliénor avait fait
porter la monstrueuse rançon à l’empereur.
« Richard, qui s’était embarqué dans un port
d’Allemagne, débarqua en Angleterre secrètement. Il rassembla les comtes et des
barons normands restés fidèles et leur grand conseil déclara le comte de
Mortain ennemi du royaume. Cela mit fin au complot de Jean et à la résistance
de ses châteaux, à l’exception de celui de Nottingham. Le roi marcha donc sur
cette ville. Ayant livré un premier assaut, il fit dresser un immense gibet où
il pendit tous les prisonniers qu’il avait faits. Les assiégés se rendirent
aussitôt.
« C’est après cette victoire qu’il se rendit
dans ma belle forêt de Sherwood, jusque-là redoutée par les Normands, car j’en
étais le roi avec
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