L'or de Poséidon
sont gentiment offert sa tête… Est-ce qu’il a fini par te mettre la main dessus, cette nuit-là ?
À l’intérieur de son sarcophage, le sculpteur fit signe que non.
— Dommage ! intervint mon père. Festus savait s’y prendre avec les traîtres !
Oronte s’avéra être aussi peu hardi que ses amis barbouilleurs. Il se dégonfla devant nos yeux. Puis, il grogna :
— Au nom de Jupiter, allez-vous me foutre la paix ! Je n’ai jamais voulu être impliqué là-dedans et ce qu’il s’est passé n’est pas ma faute !
— Il s’est passé quoi ? demandai-je en même temps que mon père.
Je lui jetai un regard furieux. Un truc pareil ne se serait jamais passé avec mon copain Petronius. Nous avions une routine bien établie pour les interrogatoires que nous menions à deux. (Ce que je veux dire, c’est qu’il comprenait quand il devait me laisser aller de l’avant.)
Mais dans ce cas précis, harceler Oronte de deux directions différentes parut produire l’effet requis. Il gémit sur un ton pathétique :
— Oh, laissez-moi sortir d’ici, je suis claustrophobe !
— Marcus, ferme le couvercle un peu plus, ordonna mon père.
Je m’avançai vers le sarcophage d’un air déterminé.
Le sculpteur se mit à hurler. Rubinia lui cria alors :
— Oh, dis à ces connards ce qu’ils veulent savoir et retournons nous coucher !
— Cette femme est pleine de bon sens, commentai-je. (J’étais arrivé tout près de son amant mis au tombeau prématurément.) Alors, tu es prêt à parler ?
L’air misérable, il acquiesça d’un signe de tête. Je le laissai sortir. Immédiatement, il essaya de s’enfuir. Mon père, qui s’attendait à cette réaction, s’était laissé glisser des genoux de sa déesse et lui décocha un coup de poing qui l’estourbit complètement.
J’eus tout juste le temps de le prendre sous les aisselles pour l’empêcher de s’écrouler.
— Oh, brillant, P’a ! Maintenant il est inconscient. C’est pas comme ça qu’il va nous apprendre grand-chose !
— Tu aurais peut-être préféré que je le laisse s’échapper ?
Il ne me restait plus qu’à l’étendre gentiment par terre.
Un peu plus tard, je lui jetai un pichet d’eau froide au visage pour le ranimer. Quand il revint à lui, il nous trouva tous les deux penchés sur lui.
— Il faut toujours que tu en fasses trop ! reprochai-je à mon père. Essaie de te retenir ! Il faut le garder vivant… au moins jusqu’à ce qu’il ait parlé.
— C’est la fille que j’aurais dû frapper plus fort, murmura mon père, comme un enragé qui ne rêve que de torture.
— Laissons-la tranquille pour l’instant, mais elle ne perd rien pour attendre.
Les yeux d’Oronte balayèrent la pièce à la recherche de Rubinia.
— Qu’avez-vous fait d’elle ?
— Pas grand-chose… pour le moment, répondit Geminus avec un rictus cruel.
— Elle a manqué sa vocation, renchéris-je. Ne t’en fais pas pour elle, à peine s’il l’a effrayée. J’ai réussi à le retenir pour le moment. Mais ça ne va pas pouvoir durer. Alors dépêche-toi de nous dire ce que tu sais, Oronte, ou ce ciseau va s’enfoncer dans un endroit qui ne va pas te plaire. Et seul Jupiter sait ce que ce lunatique va inventer pour brutaliser ta charmante compagne.
— Je veux voir Rubinia !
Ignorant son regard paniqué, je me contentai de hausser les épaules et fis mine de m’intéresser à la statue contre laquelle je m’appuyais. Elle possédait le corps d’un athlète grec particulièrement musclé, et la tête d’un rustaud romain d’une soixantaine d’années, doté d’énormes oreilles. À en croire ce qui était gravé sur le socle, il s’agissait d’Ovonius Pulcher. On pouvait compter une dizaine d’horreurs semblables dans le studio. Toutes ces statues possédaient un corps d’athlète identique, seule la tête changeait. C’était la dernière extravagance à la mode ; toutes les personnalités de Campanie devaient avoir commandé la leur.
— Qu’est-ce que c’est que ces monstruosités ? demandai-je. Du muscle fabriqué en série, avec des têtes qui ne collent pas du tout.
— Oh, ses têtes sont réussies ! intervint mon père. Et nous sommes entourés de bonnes reproductions. Il est très doué pour faire des copies.
— Et d’où viennent tous ces athlètes ?
— De Grèce, croassa Oronte qui essayait de nous amadouer.
Mon père et moi échangeâmes un regard
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