L'or de Poséidon
installé dans une vaste grange, était à peine éclairé par une mèche plantée à l’autre extrémité. De nombreuses statues de pierre paraissaient surgir de l’obscurité et projetaient partout des ombres menaçantes. Des escabeaux et d’autres équipements professionnels constituaient autant de pièges pour quelqu’un qui n’était pas familier des lieux. Les artistes ne sont pas des gens soigneux (ils perdent trop de temps en rêveries et boivent trop entre deux périodes de créativité).
Perdant patience, je secouai la fille brutalement pour la décider à se tenir tranquille.
Mais déjà, un grand homme qui ne pouvait être que le sculpteur disparu avait réussi à se dégager du coin le plus éloigné du lit où les couvertures l’avaient retenu prisonnier un instant. Lui aussi était complètement nu, et récemment excité par un autre genre de combat. Il était large de poitrine, plus tout jeune, chauve, avec une barbe touffue aussi longue que mon avant-bras. Il fonça à son tour vers moi l’air menaçant, en me hurlant également des injures.
Ces deux artistes étaient décidément aussi bruyants que mal embouchés. Je commençais à comprendre pourquoi ils avaient choisi de vivre sans voisins en pleine campagne.
Rubinia ne cessait de vociférer et gigotait tellement que je ne me rendis pas compte immédiatement que son amant s’était emparé d’un ciseau et d’un maillet. Heureusement, sans doute aveuglé par la colère, il me manqua lors de sa première tentative de m’ouvrir le crâne. J’entendis le maillet siffler quand il me rasa l’oreille gauche. En voyant que son intention était maintenant de m’embrocher avec le ciseau, je m’empressai de pivoter pour placer la fille devant moi. Rubinia se pencha pour me mordre le poignet, faisant taire du même coup tous les scrupules que je pouvais éprouver à l’utiliser comme bouclier.
Traînant la fille, je parvins à m’abriter derrière une statue au moment où Oronte plongeait de nouveau sur moi. Son ciseau érafla une nymphe seulement à moitié sortie du bloc de pierre, mais ses formes délicates n’étaient pas celles de la solide gaillarde qui se débattait furieusement contre moi et que j’avais tant de mal à maîtriser. Rubinia jeta ses jambes en avant et essaya de les nouer autour des hanches de la nymphe. Je fis un saut de côté et parvins à l’en empêcher, mais je sentais mes doigts glisser sur l’étoffe et son étonnant contenu. Elle n’allait pas tarder à m’échapper.
Oronte bondit de derrière un groupe sculpté dans le marbre. Je me jetai en arrière, manquant de peu une échelle. Il était plus grand que moi, mais la boisson et l’énervement l’empêchant de bien coordonner ses gestes il percuta une statue. Voyant que je ne pouvais plus retenir Rubinia, je la poussai de toutes mes forces loin de moi, m’aidant d’un coup de botte dans son superbe derrière pour augmenter son élan. Elle alla s’aplatir un peu plus loin en éructant un torrent de mots orduriers.
J’attrapai le sculpteur sonné à bras-le-corps. Il était vigoureux, mais sans lui laisser le temps de réagir, je lui fis faire un demi-tour sur lui-même et l’enfournai dans un sarcophage posé debout contre le mur, comme en attente d’un occupant. M’emparant ensuite du couvercle massif, je tentai de le faire glisser, pour enfermer dans ce cercueil l’homme qui était probablement chargé de le réparer.
Le poids de ce couvercle de pierre me surprit, et j’avais à peine réussi à le faire glisser à moitié quand Rubinia se précipita sur moi par-derrière, dans le but avoué de me scalper. Par tous les dieux, elle ne lâchait pas facilement le morceau ! Au moment où je me retournais pour lui faire face, elle avait déjà réussi à s’emparer du maillet et visait une partie de mon anatomie que je n’aime pas voir menacée.
Venir à bout des deux me paraissait au-dessus de mes forces. Heureusement, tout en restant appuyé au couvercle du sarcophage pour y garder Oronte prisonnier, je parvins à agripper le bras de Rubinia qui se prolongeait par la mailloche. Comme elle refusait de s’avouer vaincue, je dus resserrer ma prise et lui faire mal. La douleur ne l’empêcha aucunement de continuer à vouloir m’assassiner. Je parvins néanmoins à lui faire lâcher son arme improvisée. D’un coup à la tempe, j’achevai de la calmer et elle s’écroula entre mes bras.
Juste à ce moment-là, la porte
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