L'or de Poséidon
toujours partie se distraire, Jupiter sait où !
— Je vois qu’elle te manque ! remarqua Mico à voix basse.
Je me sentis obligé de pousser un grand soupir. Tenter de me remonter le moral paraissait lui faire du bien à lui.
Mais je décidai de donner un autre tour à la conversation. Puisque je me trouvais en sa compagnie, autant en profiter pour lui poser quelques questions.
— Écoute, je sais que le moment paraît mal choisi, mais je mène une petite enquête pour le compte de ma mère. Et j’interroge toute la famille. Est-ce que Festus t’avait parlé de son projet d’importer des statues grecques ? Je crois qu’un bateau devait partir de Césarée… ou un truc dans ce genre.
Mico fit non de la tête.
— Festus ne parlait jamais avec moi.
Je savais pourquoi : Il aurait discuté plus intelligemment de la théorie du philosophe inférant que la vie se compose d’une poignée d’atomes avec une tresseuse de guirlandes.
— Mais c’était tout de même mon copain, insista-t-il, comme s’il avait peur de m’avoir fait une mauvaise impression.
Il disait vrai. Festus excellait à jeter des miettes à un oisillon tombé du nid, ou à caresser un chien qui avait perdu une patte.
— Je te posais la question à tout hasard. J’essaye de savoir ce qu’il combinait lors de son dernier séjour à Rome.
— C’est pas moi qui pourrai te l’apprendre, Marcus. On a vidé quelques gobelets ensemble, et il m’a procuré un ou deux petits boulots. Je ne peux rien te dire de plus.
— C’était quoi, ces boulots ? Rien de spécial ?
Je me raccrochais au plus petit espoir.
— Tout ce qu’il y a de plus normal. Du plâtre sur des briques…
Je n’écoutai même pas la suite qui ne présentait aucun intérêt pour moi.
— Mais Marina pourrait sans doute te renseigner, conclut-il. C’est elle que tu devrais aller voir.
Je le remerciai avec effusion, comme si l’idée de parler de Festus avec son ancienne petite amie ne m’avait jamais effleuré l’esprit.
14
Si je voulais qu’on découvre le responsable du meurtre du soldat, il fallait absolument que je me mêle de l’enquête. Petronius Longus m’avait formellement interdit de mettre les pieds chez Flora. Seulement, je n’avais pas la moindre intention de lui obéir. Il était l’heure de déjeuner, et je me dirigeai tout droit vers la caupona.
Ce n’était pas une bonne idée. Je fus obligé de passer devant sans m’arrêter. L’un des gardes de Petro était installé sur un banc juste devant, à côté du mendiant assis sur son tonneau. On avait placé devant lui un pichet et un plat de feuilles de vigne ramollies. Il ne fallait pas être grand devin pour comprendre ce qu’il faisait ici : sa mission était de m’empêcher de fouiner sur les lieux du crime. Cet individu s’offrit même le luxe de ricaner quand je passai de l’autre côté de la rue sans m’arrêter, et en affectant une démarche nonchalante.
Je me rendis alors chez ma mère. Deuxième idiotie.
— Oh, Junon ! Regardez qui vient traîner par ici !
— Allia ! Tu es venue chercher quoi ? Une aiguille ou une livre de prunes ?
Allia, ma sœur numéro deux, avait toujours été la fidèle complice de Victorina. Autant dire qu’elle n’éprouvait pas une grande affection pour moi. J’étais certain qu’elle était venue emprunter quelque chose, car il s’agissait de sa principale activité dans la vie. Heureusement qu’elle s’apprêtait à partir quand j’ouvris la porte.
— Je préfère te prévenir. Inutile de m’interroger sur Festus, proclama-t-elle avec sa truculence habituelle. Je n’ai entendu parler de rien et, surtout, je me moque de toute cette histoire.
— Merci, dis-je sobrement.
Il n’aurait servi à rien de discuter avec elle. Nous nous quittâmes sur le seuil. Allia se pressa de s’éloigner, silhouette fortement charpentée et légèrement de guingois, comme si elle avait été malmenée lors de l’accouchement.
Ma mère et Helena étaient assises à la table de la cuisine, et toutes les deux se tenaient le dos droit. M’attendant au pire, je me laissai tomber sur le premier coffre venu.
— Allia nous a raconté des histoires intéressantes, annonça Helena sans détour.
Il ne pouvait s’agir que de la péripétie avec Marina.
Je me gardai bien de faire aucun commentaire, et je vis qu’Helena Justina serrait furieusement les dents en se mordant la lèvre inférieure. J’étais
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