L'or de Poséidon
trouver sans le vouloir sur le chemin de ta joyeuse bande. Et j’avoue que ça m’inquiète.
— À dire vrai, moi aussi ! s’écria mon père. Surtout que c’était parfaitement inutile !
— Ce qui me plairait, c’est qu’il n’y ait pas des gens autour d’un bûcher funéraire, la semaine prochaine, en train de dire la même chose à mon propos. Je vais te demander des noms, mais il y a une question que je veux te poser en priorité. (Je venais de m’exprimer sur un ton qui parut le peiner. Je m’efforçai donc à parler d’une voix plus posée :) Est-ce que ton problème a un rapport avec notre cher Festus et son Phidias disparu ?
Notre père choisit une expression étonnée dans son vaste répertoire.
— Comment as-tu fait pour le deviner ?
Je fermai les yeux pour essayer de me calmer.
— Arrêtons de jouer cette farce, tu veux bien ? Et vide ton sac !
— En fait, c’est très simple, dit Geminus. C’est un couple qui va vouloir te parler : Cassius Carus et Ummidia Servia. Ils ne fréquentent pas n’importe qui et se considèrent comme des personnages influents dans le domaine de l’art. Ils possèdent une grande maison dotée d’un musée privé près de la via Flaminia. Ils collectionnent des statues et voulaient acquérir le Poséidon.
— Où en étaient les arrangements ? grognai-je.
— Pour ainsi dire terminés.
— Et les personnages influents n’apprécient pas de se faire rouler ?
— Non, surtout quand ils souhaitent augmenter leur collection, ce qui comporte toujours des risques. Ils tiennent avant tout à leur réputation. Ils n’aiment pas que leurs erreurs soient connues publiquement.
— Est-ce qu’ils ont été grugés ? demandai-je.
— C’est ce qu’ils ont l’air de penser. Carus et Servia espéraient recevoir la statue, mais Festus a perdu son bateau et n’a pas pu la livrer.
— Ils l’avaient payée d’avance ?
— J’en ai bien peur.
Je ne pus m’empêcher de faire une vilaine grimace.
— Alors ils se sont bien fait rouler et ils ont de bonnes raisons d’agir comme ils le font. Si c’est pas indiscret… quelle somme veulent-ils se faire rembourser ?
— Oh !… un demi-million de sesterces, murmura P’a.
37
Quand je quittai la Sæpta Julia, le fond de l’air était déjà froid. J’avais très envie d’entrer me réchauffer et me détendre dans les Bains d’Agrippa, mais à la perspective de regagner ensuite la maison à pied dans l’obscurité d’une soirée d’hiver, je préférai y renoncer. Mieux valait d’ailleurs se mettre au travail tout de suite.
Mon père m’avait offert de m’accompagner jusqu’au Treizième Secteur dans sa litière surchargée d’ornements, mais j’avais décliné la proposition. J’en avais assez de sa compagnie, et je préférais marcher pour réfléchir.
Helena m’attendait. Après l’avoir embrassée, je l’informai que j’étais juste venu la chercher.
— Que se passe-t-il ?
— J’ai vraiment dégoté un boulot de grande personne ! D’abord, ma mère s’assure mes services pour prouver que Festus n’était pas un criminel ; ensuite, mon père m’engage parce qu’il en était probablement un.
— Eh bien, grâce à ton frère, tu as du travail, commenta ma bien-aimée toujours optimiste. Tu as besoin de mon aide ?
— Non. L’impossible Geminus m’a désigné comme responsable pour le Phidias. J’ai peur qu’un créditeur nerveux vienne me chercher des noises ici. Je dois te mettre au vert quelque part en attendant que la situation soit moins tendue. À toi de décider où tu veux aller.
Elle choisit de retourner chez ma mère. Je l’y conduisis. Après avoir réussi à esquiver l’inquisition maternelle, je promis de venir les retrouver dès que possible, puis m’enfonçai dans la nuit en direction du mont Cælius.
En premier lieu, je voulais retrouver les peintres amis de mon frère.
Je commençai par jeter un coup d’œil à La Vierge. Ils ne s’y trouvaient pas. Je fis ensuite le tour de tous les endroits qu’ils étaient censés fréquenter régulièrement. Sans plus de succès. Cette routine ennuyeuse faisait malheureusement partie de mon travail et je m’en accommodais. Mener une enquête consiste surtout à subir des échecs. Il faut posséder des bottes à semelles épaisses, un cœur solide, et la faculté de pouvoir rester éveillé dans une pergola pleine de courants d’air – en espérant que le bruit
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