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L'Orient à feu et à sang

L'Orient à feu et à sang

Titel: L'Orient à feu et à sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harry Sidebottom
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savait que les Bataves étaient de grands nageurs. Comme tous les cavaliers de la troupe du Dux, il avait sur lui les trois rations réglementaires. Il était resté sur son île pendant deux jours. Après le premier jour, il n’avait plus vu de Perses et, le lendemain, il regagnait la rive à la nage, récupérait son équipement ou, du moins, tout ce qu’il pouvait porter, et marchait vers le sud jusqu’à Castellum Arabum. Cela n’avait pas été joli. Dix-huit têtes étaient fixées en haut de la porte et des murs. Les deux dromedarii restants s’étaient peut-être enfuis, mais il était plus probable qu’on les eût capturés et emmenés pour être interrogés.
    — Bref, continua Antigonus, j’ai trouvé un paysan qui, par pure générosité, m’a offert de monter sur son âne et de me ramener à Arété.
    Devant le regard appuyé que lui lançait Ballista, il se hâta d’ajouter :
    — Non, non, il va bien. En fait, il attend dans la première cour de recevoir la récompense princière qui, comme je le lui ai dit, lui sera remise par le Dux Ripæ.
    Ballista fit un signe de tête à Demetrius qui acquiesça en retour pour dire qu’il s’en occuperait.
    — Il y a plus, malheureusement. Sur le chemin du retour, j’ai vu Romulus, ou ce qu’il en restait. Pas beau à voir – il avait été mutilé ; espérons que ça ait été après sa mort.
    Les récits, fluctuant sans cesse, se propagèrent bien au-delà de la ville d’Arété. Dix jours après le déroulement des faits dans l’obscurité et la peur au bord de l’Euphrate, un messager se prosternait dans la grandiose salle du trône de la capitale perse de Ctesiphon [69] et contait une version de l’histoire à Shapur, le Roi des Rois sassanide. Vingt-six jours après cela, un messager se prosternait dans le palais au sommet du mont Palatin et racontait la première des versions de l’histoire qu’entendrait l’empereur Valérien. Trois autres jours s’écoulèrent avant qu’un messager retrouvât Gallien, le fils de Valérien avec qui il partageait le pouvoir, sur les froides rives du Danube. À ce moment-là, la ville d’Arété avait déjà connu bien d’autres péripéties et les événements de Castellum Arabum n’étaient plus qu’un lointain souvenir.
    Pendant longtemps, le seul signe de l’arrivée de la horde sassanide depuis les murs d’Arété fut l’épais nuage noir se profilant au sud. Le matin du 14 avril, le lendemain des ides du mois – toujours un jour néfaste –, Ballista, accompagné de ses officiers supérieurs, de sa suite et de sa familia, se posta sur les remparts au-dessus de la porte de la Palmyrène. Le nuage flottait en aval du fleuve, émergeant du domaine de Shapur. Sombre et épais, il était encore assez loin, au moins aussi loin que le caravansérail désaffecté et peut-être même que Castellum Arabum. Personne n’eut besoin de demander quelle en était la cause. Impossible de ne pas imaginer les dizaines de milliers d’hommes, chevaux et autres bêtes terrifiantes soulevant la poussière dans leur implacable marche, de ne pas voir en esprit la fumée grasse s’élevant des feux innombrables qui consumaient tout sur le passage de la horde venue de l’est.
    Au crépuscule, une ligne de feux de camp était visible à tout juste deux ou trois milles de la ville. Les éclaireurs sassanides s’apprêtaient à passer la nuit. Un peu plus tard, dans les ténèbres, d’autres feux se mirent à scintiller, décrivant un arc le long des collines à l’ouest. Après minuit, une formidable lueur orange illumina le ciel au nord-ouest : l’avant-garde perse avait atteint les villages. Au chant du coq, des brasiers et des volutes de fumée mouchetaient la rive opposée du fleuve, vers l’est. Tous les habitants d’Arété savaient désormais qu’ils étaient encerclés, coupés du monde, que personne ne pourrait leur porter secours et que toute fuite était impossible. Pourtant, ils n’avaient pas encore vu un seul des guerriers de Shapur.
    À l’aube, le Dux Ripæ et ses hommes étaient toujours à leur poste. La plupart s’étaient absentés pour essayer de se reposer une heure ou deux, mais impossible pour Ballista de fermer l’œil en cette nuit si cruciale. Enveloppé d’une peau de mouton, il était appuyé contre l’une des deux pièces d’artillerie au sommet de la tour surmontant la porte de la Palmyrène, une énorme baliste tirant des boulets de vingt livres. La fatigue

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