L'Orient à feu et à sang
répétés d’une pioche entamant la roche.
Ballista hocha la tête. Mamurra décrivit un arc de cercle avec sa main, d’environ quarante-cinq degrés vers la gauche en partant du bouclier. Puis, toujours sans dire un mot, il écarta les doigts de sa main droite par trois fois. La mine ennemie approchait de la gauche et se trouvait à une quinzaine de pas. Ballista acquiesça et indiqua la sortie d’un mouvement de tête. Mamurra acquiesça en retour. Toujours accroupi, Ballista commença à remonter, espérant que son soulagement pitoyable ne serait pas trop visible.
De retour en surface, ayant enfin quitté le domaine des morts, Ballista respira à pleins poumons. L’air chaud, saturé de poussière en suspension qui flottait au-dessus de la ville d’Arété, lui parut plus froid, plus pur encore que celui du bord de la mer du Nord dans son enfance. Il s’en repaissait, essuyant avec son foulard la sueur et la saleté qui lui piquaient les yeux. Maximus lui passa une outre d’eau. Il mit sa main en coupe, y versa l’eau et s’en baigna le visage. Au-dessus de lui, la manche à vent surmontant l’entrée de la mine pendait mollement. L’un des ingénieurs de Mamurra renversa dessus un seau d’eau afin qu’elle tirât mieux.
— Maintenant, je peux vous la montrer d’en haut, dit Mamurra.
La vue depuis les remparts de la tour sud-ouest était épique. À droite, les restes de la rampe de siège perse gisant affaissée en son milieu, telle une baleine échouée, et au-delà, la grande plaine s’étendant jusqu’au camp perse, jonchée de boulets brisés, de lambeaux de vêtements et d’ossements blanchis qui en rompait l’uniformité fauve.
Ils restaient accroupis derrière le parapet, maintes fois réparé. Depuis l’écroulement de la rampe, les tirs n’étaient plus que sporadiques, mais un homme à découvert pouvait s’exposer à un barrage de projectiles. Mamurra emprunta son arc à une sentinelle. Il choisit une flèche à l’empennage de couleur vive, regarda par-dessus les remparts pour repérer sa cible et se remit à couvert. Il respira profondément avant de se lever et de décocher la flèche. Ballista remarqua qu’il tirait sur la corde de l’arc non pas avec deux doigts, mais avec son pouce, comme les nomades des steppes.
— Hmm…
Mamurra grogna tandis que la flèche se ficha dans le sol, ses plumes rouge vif oscillant dans la brise. Il observa la plaine pendant un instant.
— Vous voyez la flèche ? Maintenant comptez cinq pas vers la droite, puis environ dix pas plus loin, devant le bout de tissu jaune. Vous voyez cette sorte de grosse taupinière, là-bas ?
Ballista la voyait.
— Maintenant, regardez plus loin, à vingt ou trente pas. Vous voyez la suivante ? Et à environ la même distance, celle qui se trouve au-delà ?
— Je les vois, oui.
Ce n’était pas un tir tellement précis.
— J’ai déjà fait mieux. (Mamurra sourit.) Mais il a atteint son but.
— Vous avez pu voir les puits de ventilation que les reptiles ont creusé depuis leur mine. Elle est considérablement plus longue que la nôtre et ces puits sont nécessaires. Notre mine est longue d’une quarantaine de pas. Plus longue, l’air deviendrait malsain au fond. La manche à vent aide un peu. Si nous avions eu le temps, j’aurais fait creuser un autre tunnel à côté de notre mine : lorsqu’on allume un feu à l’entrée d’un tunnel parallèle, cela aspire le mauvais air.
« Père-de-Tout, voilà un bon ingénieur de siège, un bon prœfectus fabrum. J’ai de la chance de l’avoir avec moi. »
— Je pense que leur tunnel passera juste à gauche de notre galerie transversale. Il nous faudra creuser un peu plus pour les avoir.
Mamurra continua, répondant à la question silencieuse de Ballista.
— Il y a un risque qu’ils nous entendent creuser, qu’ils nous attendent. Mais on creusera et on écoutera à tour de rôle. De toute façon, on ne peut rien y faire.
Les deux hommes se turent. Ballista se demandait si Mamurra pensait comme lui que le traître avait pu avertir les Sassanides de l’existence de la contre-mine romaine.
— Lorsque tu les auras interceptés, que feras-tu ?
Comme à son habitude, Mamurra réfléchit longuement avant de répondre.
— Nous pourrions essayer de pénétrer dans leur tunnel par en-dessous, allumer un feu et les enfumer. Ou alors par au-dessus, les bombarder de projectiles, peut-être verser de l’eau bouillante,
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