L'Orient à feu et à sang
leurs pioches sortirent en courant de la mine. Quelques légionnaires en émergèrent aussi. Castricius hurla d’autres ordres. Les hommes s’arc-boutèrent sur les cordes et – un, deux, trois – commencèrent à tirer.
Ballista regardait. Maximus s’était retourné.
Une première équipe puis une seconde furent projetées en arrière tandis que la tension dans les cordes se relâchait brusquement ; certains hommes trébuchaient, d’autres tombaient à la renverse. Un à un, les étais de mines furent arrachés. Un grondement sourd retentit, suivi par un étrange fracas. Un épais nuage de poussière enveloppa l’entrée du souterrain.
Il y avait juste assez de lumière pour distinguer l’intérieur du tunnel perse. Bien qu’il eût les yeux fermés, Mamurra savait qu’il y avait assez de lumière. Il était étendu sur le dos. Un grand poids l’écrasait, une forte odeur de cuir lui entrait dans les narines. Il entendait des voix perses. L’une d’elle semblait crier des ordres. Étrangement, sa cheville le faisait plus souffrir que sa tête. Il sentait dans sa bouche le goût âpre et métallique du sang.
Il entrouvrit prudemment les yeux. Une botte reposait sur son visage. Elle ne bougeait pas ; il était clair que son propriétaire était mort. Il entendit un grondement sourd au loin, se transformant en une sorte de rugissement puis, des cris et des hommes qui couraient. Le tunnel se remplit alors de poussière.
Mamurra ferma les yeux, s’efforçant de respirer doucement par le nez. Il n’osait pas tousser. Après quelques instants, le calme s’installa et il rouvrit les yeux. Il essaya de bouger, mais seul son bras droit répondait et il s’érafla le coude contre la paroi. Il déplaça la botte du mort pour pouvoir mieux respirer.
Il se trouvait sous un tas de cadavres, ce qui, en même temps que le grondement qu’il avait entendu et la poussière, lui disait tout. Les Perses avaient eu le dessus et l’avait repoussé sur le côté, avec les morts, pour dégager le passage. Ils avaient poursuivi les Romains en déroute et Ballista avait effondré la mine. Salaud. Le foutu salaud.
Il n’y avait rien d’autre que le Dux pût faire, mais c’était quand même un foutu salaud.
Un grand calme régnait. Se mordant la lèvre pour ne pas crier de douleur, Mamurra bougea son bras droit. Il n’avait plus son glaive ni sa dague. Il se reposa un instant. Il n’y avait toujours aucun bruit. Lentement, étouffant un gémissement, il leva le bras et passa sa main dans l’encolure de sa cotte de maille, puis sous sa tunique. Grognant sous l’effort malgré lui, il en retira la dague qu’il cachait là. Il laissa son bras retomber, posa la dague contre sa hanche droite, puis ferma les yeux.
Il ne craignait pas la mort. Si les philosophes épicuriens avaient raison, tout retournerait au néant du sommeil et du repos. S’ils avaient tort, il n’était pas bien sûr de ce qui arriverait. Bien sûr, il y avait les îles des Bienheureux et les Champs Élysées. Mais il n’avait jamais réussi à savoir s’il s’agissait de deux endroits ou bien d’un seul et encore moins à découvrir comment l’on y accédait. Il avait toujours été doué pour pénétrer dans des lieux où il n’était pas censé se trouver – mais il se doutait que ce talent ne suffirait pas, cette fois. Pour lui, cela serait l’Hadès. Une éternité dans le noir et le froid, à voleter et à couiner comme une chauve-souris privée de sensations.
Les choses devaient être plus faciles pour les Sassanides. « Mourez au combat ! Rejoignez le troupeau des bénis, et hop ! Directement au paradis. » Mamurra n’avait jamais cherché à savoir ce que leur paradis oriental était censé receler – probablement des tonnelles ombragées, du vin frais et d’inépuisables réserves de vierges aux gros culs.
Pour ce bâtard de Ballista aussi, les choses devaient être plus faciles – bien sûr, il n’avait pas eu le choix, mais c’était un bâtard quand même. Bref, le bâtard lui en avait parlé. Combattez et mourez en héros et le dieu suprême du Barbare du Nord, au nom étrange, pourrait – mais rien n’était moins sûr – vous envoyer ses vierges aux boucliers qui vous emporteraient alors dans un manoir sacré de seigneur de la guerre nordique où, conformément aux usages nordiques, vous passeriez l’éternité à combattre, vos blessures se refermant miraculeusement chaque jour, et à boire le soir
Weitere Kostenlose Bücher