L'Orient à feu et à sang
cités avaient la réputation de sacrifier le sommeil au devoir ou s’ils coupaient leur vin avec beaucoup d’eau. Mais cela lui était égal. Il sentait la colère monter en lui.
— Prétend remonter à la fondation de la République. Prétend ! Comment osez-vous ! Espèce de…
Acilius Glabrio était tout rouge et parlait fort.
— Dominus !
Le primus pilus Antoninus Prior avait l’habitude de se faire entendre d’un bout à l’autre du campus martius. Il arrêta net le commandant de son unité.
— Dominus, il se fait tard. Nous devrions écouter la suggestion du Dux Ripæ. Il est temps d’aller inspecter les postes de sentinelles.
Antoninus continua, sans laisser le temps à son supérieur de prendre la parole.
— Dux Ripæ , les officiers de Legio IIII Scytica vous remercient de votre hospitalité. Nous devons y aller.
Le primipile s’était levé pour se placer à gauche d’Acilius Glabrio. L’autre centurion apparut à sa droite. Ensemble, Antoninus et Seleucus mirent doucement, mais fermement leur jeune commandant sur ses pieds et l’escortèrent jusqu’à la porte.
Acilius Glabrio s’arrêta soudain. Il se retourna et agita le doigt en direction de Ballista. Le jeune noble tremblait, son teint était devenu livide. Il semblait trop furieux pour parler. Les deux centurions le prirent sous le coude et le firent sortir sans qu’aucune parole ne fut échangée.
L’épisode marqua la fin de la soirée. Turpio, accompagné de Félix et Castricius, les deux centurions sous son commandement, partirent peu après et furent rapidement suivis par les protecteurs de caravanes et les conseillers.
Dès qu’il eut salué le dernier des invités, l’eunuque Otes – « Un merveilleux moment, Kyrios, un grand succès. » — Ballista, suivi de près par Demetrius, se retira dans ses appartements. Maximus et Calgacus l’y attendaient.
— Vous avez trouvé ce que je vous avais demandé ?
— Oui, Dominus, répondit Maximus.
— Et ça nous a coûté un bon petit paquet, ajouta Calgacus.
Sur le lit, deux tenues étaient étalées. Des tuniques criardes, rouge, bleu, jaune et violet ; des pantalons et des toques, rayés, ourlés et brodés de couleurs différentes dans le style local.
— Allons-y.
Ballista et Maximus se déshabillèrent et enfilèrent les habits orientaux.
— Kyrios, c’est de la folie ! dit Demetrius. À quoi bon ?
Ballista, ayant retiré les deux ornements de sa ceinture, la couronne murale et le l’oiseau de proie doré, avait les yeux baissés, s’efforçant d’attacher une nouvelle décoration où le mot felix, « bonne chance », était inscrit.
— Il y a toujours le danger que les officiers subalternes disent à leurs supérieurs ce qu’ils veulent bien entendre : « Les hommes ont le moral et brûlent de combattre ». Imagine ce que l’on dit au roi des rois. Je ne suis pas Shapur, mais il est toujours plus agréable d’être porteur de bonnes nouvelles que de mauvaises.
Ballista rassembla ses longs cheveux et les glissa sous sa toque syrienne.
— S’il vous plaît, Kyrios , pensez au danger que vous courez. Si vous ne le faites pas pour vous, alors faites-le pour ceux qui restent. Qu’adviendra-t-il de nous s’il vous arrivait quelque chose ?
Ballista se demandait s’il devait retirer l’amulette d’ambre du fourreau de son épée. Il décida de n’en rien faire.
— Arrête de te faire du souci, mon gars. Il n’y a pas meilleur moyen de tester le moral des troupes. À leurs postes, sans officiers dans les parages, ils parlent librement de leurs espoirs et de leurs craintes.
Il donna une petite tape sur l’épaule de Demetrius.
— Tout ira bien. J’ai déjà fait ce genre de choses.
— Personne ne se soucie de ce qui pourrait m’arriver à moi, dit Maximus.
— Toi, tu es sacrifiable, dit Calgacus.
Ballista passa en bandoulière un de ces carquois faisant office d’étui à arc, se drapa d’une peau de loup et se contempla dans le miroir que tenait Calgacus. Puis il regarda son garde du corps.
— Maximus, passe-toi un peu de suie sur le nez. Si on ne voit pas ce trou du cul de chat qu’il y a au bout, aucune chance que l’on nous reconnaisse. On ressemble à deux des plus affreux mercenaires à la solde des protecteurs de caravanes.
Après avoir échangé quelques mots à voix basse avec les gardes, les deux hommes sortirent furtivement par la porte nord du palais. Ils prirent à gauche
Weitere Kostenlose Bücher