L'Orient à feu et à sang
atteignirent le bout de la rue sans encombre. Ballista leva la main droite et arrêta son cheval. La tour se dressait à une soixantaine de pas sur leur droite, par-delà une étendue de terrain découvert.
Elle était plongée dans l’obscurité, mais Ballista crut voir des hommes sur la plate-forme de combat. Il réfléchit, caressant machinalement les oreilles de son cheval. La courbure du mur l’empêchait de voir la tour suivante sur la gauche, mais à droite, sur la tour la plus au sud de la muraille du désert, tout semblait normal. Elle était éclairée par des torches, à la différence de celle qui était en face de lui.
Il fit signe d’avancer. Au pas, ils se déployèrent en ligne sur l’esplanade. Maximus chevauchait à droite de Ballista, Pudens à gauche. Tout semblait très calme ; des bruits de fond leur parvenaient de très loin. Ballista n’entendait que les sabots de leurs chevaux sur le sol de terre tassée, la brise qui s’engouffrait dans les mâchoires du draco au-dessus de sa tête et sa propre respiration rauque.
Lorsqu’ils furent au milieu de l’esplanade, Ballista donna l’ordre de s’arrêter. Les chevaux alignés piétinaient sur place. Un grand calme régnait. Le mur de la tour n’était plus qu’à une vingtaine de pas. La porte était fermée. Ballista inspira, s’apprêtant à héler les soldats dans la tour.
Il entendit la vibration des cordes des arcs, le chuintement des empennages dans les airs et aperçut la flèche du coin de l’œil. Il eut juste le temps de s’écarter vers la gauche. Un grand choc l’ébranla lorsqu’elle rebondit contre son épaule droite protégée par la cotte de maille. Le hongre bai recula et Ballista, déjà en perte d’équilibre, fut jeté bas. Il roula sur lui-même pour éviter les sabots de sa monture martelant le sol. Le cheval d’à côté s’était cabré et les sabots de ses antérieurs reprirent contact avec le sol à quelques pouces de sa tête. Ballista se roula en boule, couvrant sa tête de ses bras.
On le prit fermement sous l’aisselle avant de le hisser sur ses pieds.
— Cours ! dit Maximus.
Ballista s’exécuta.
Ils coururent vers la muraille du désert, les flèches ricochant sur le sol autour d’eux. Ils obliquèrent vers la droite pour mettre un cheval qui était tombé, ses pattes s’agitant en l’air, entre eux et les archers sur la tour. La tête rentrée dans les épaules, Ballista courut.
Ils atteignirent le talus devant la muraille du désert et grimpèrent dessus à quatre pattes. Le dos au mur, Ballista s’accroupit à l’angle des murailles sud et ouest. Maximus les protégeait tous deux derrière son bouclier, mais personne ne semblait plus leur tirer dessus. Ballista jeta un coup d’œil autour de lui. Seuls Acilius Glabrio et deux des equites singulares étaient encore avec eux. Aucun signe de Castricius, Pudens ou des autres gardes. Il regarda dans la direction d’où ils venaient. Une colonne de guerriers sassanides se déversait sur l’esplanade. Ils semblaient émerger du sol au pied de la tour.
— Foutre ! Il y avait une autre mine, dit Maximus.
Ballista se releva et regarda par-dessus le mur. Dehors, à la lumière des étoiles, une longue colonne de guerriers perses serpentait sur le flanc du ravin sud. Des lumières s’allumèrent sur la tour prise par les Sassanides. On agita des torches en une suite de signaux. Dans la lumière brusquement répandue, Ballista aperçut une silhouette familière au sommet de la tour.
— Non, ils arrivent par les catacombes creusées dans le versant du ravin.
Sa tête chauve reflétant la lumière des torches, sa barbe broussailleuse se profilant dans la pénombre, Theodotus, conseiller d’Arété et prêtre chrétien, se tenait immobile sur la tour, au milieu du tumulte.
— Je n’ai jamais eu confiance en ces salopards, dit l’un des gardes.
La colonne perse se dirigeait vers le nord de la ville, empruntant la rue que Ballista et son groupe venaient juste de descendre.
On entendit une rumeur confuse sur le chemin de ronde au nord. Ballista dégaina son épée et avec les autres se tourna vers la gauche pour affronter la nouvelle menace. « Roma, Roma » : on criait le mot de passe de la nuit. Turpio et une demi-douzaine de soldats de Cohors XX apparurent. « Salus, Salus » crièrent Ballista et son groupe en retour.
— Encore des mauvaises nouvelles, j’en ai peur, dit Turpio. Un autre groupe de
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