L'Orient à feu et à sang
perplexité se peindre sur les visages.
— Des chevaux nous attendent au palais.
Les hommes hochèrent la tête. Ballista savait qu’ils n’avaient aucune idée de ce qu’il attendait d’eux une fois montés, si d’aventure ils parvenaient à rejoindre le palais. Mais un plan, quel qu’il fût, leur donnait un objectif, une lueur d’espoir.
Ballista en tête une nouvelle fois, ils dévalèrent l’escalier de la tour et sortirent sur le chemin de ronde par la porte est. Au moment où ils y prenaient pied, un cri retentit, ponctué par une volée de flèches. Juste derrière Ballista, des hommes hurlèrent. Il baissa la tête, son casque touchant son bouclier, et se mit à courir. Une flèche malheureuse dans la jambe et c’en était fini.
Bientôt, les tirs cessèrent et les cris des Sassanides derrière eux perdirent de leur intensité. La tour suivante sur le chemin de ronde était encore assez loin. Ballista avait les poumons en feu. Il entendait autour de lui la respiration haletante de ses compagnons.
La porte de la tour était ouverte. Ballista s’engouffra à l’intérieur, paré à combattre, mais il n’y avait personne. Il s’élança et ressortit de l’autre côté.
La tour suivante était assez proche. Comme la précédente, les défenseurs l’avaient abandonnée. Cette fois, Ballista mena ses hommes en bas de l’escalier, jusqu’à la porte s’ouvrant sur la ville. Il s’arrêta sur le seuil pour les laisser reprendre leur souffle. Seuls deux hommes manquaient.
Ballista jeta un coup d’œil au-dehors. L’allée longeant la muraille était déserte. Il sortit, suivi par ses compagnons. Ils prirent à droite et se remirent à courir vers le fleuve.
Lorsqu’ils traversèrent l’esplanade où le soldat avait été touché par la flèche destinée au traître – « Theodotus, espèce de salaud ! » – il y avait du monde autour d’eux, des soldats et des civils se dirigeant dans la même direction qu’eux, vers la Porta Aquaria et le fleuve.
Quelques instants plus tard, Ballista bifurquait vers le nord, dans la rue qui l’amènerait devant la demeure d’Iarhai.
Le portail de la maison était ouvert. Six mercenaires étaient postés à l’entour, l’arme à la main. Ils semblaient inquiets. Ballista s’approcha d’eux. Plié en deux, les mains sur les genoux, il s’efforçait de reprendre son souffle. Il mit un moment à pouvoir parler.
— Iarhai… Où est-il ?
Un mercenaire indiqua la maison de la tête.
— À l’intérieur.
Il cracha par terre.
— En train de prier.
À peine Ballista eut-il passé le seuil que Bathshiba se jetait dans ses bras. Il la serra. Il sentait ses seins se presser contre lui. « Nous allons tous mourir », pensa-t-il, « et je ne pense encore qu’à la baiser. Un homme reste un homme. »
— Où est votre père ?
Elle le prit par la main et le mena aux appartements privés du synodiarque.
Dans une pièce sobrement meublée, aux murs blancs, Iarhai, agenouillé sur un tapis, était en train de prier.
— Espèce de salaud. Vous saviez, n’est-ce pas ? s’écria Ballista d’une voix féroce.
Iarhai le regardait.
— Répondez-moi !
— Non.
Un muscle palpita sous la pommette cassée d’Iarhai.
— Oui, je suis devenu chrétien. Je suis dégoûté de la vie, dégoûté par les tueries. Theodotus m’a offert la rédemption. Mais non, j’étais loin de me douter qu’il allait faire ça.
Ballista tenta de réprimer sa colère. Il croyait ce que lui disait Iarhai.
— Je vais vous donner une chance de vous racheter, dans cette vie plutôt que dans l’autre monde. Je n’ai pas l’intention de me laisser tuer dans ce trou infesté de mouches sans rien faire. Des chevaux attendent, sellés, au palais. Si j’y parviens, j’ai un plan qui pourrait marcher. J’emmènerai votre fille avec moi. Mais nous n’atteindrons jamais le palais à moins que quelqu’un retienne les Sassanides.
— Il en sera fait selon la volonté de Dieu, dit Iarhai d’une voix monocorde.
— Levez-vous et armez-vous, espèce de dégonflé ! cria Ballista.
— Tu ne tueras point, psalmodia Iarhai. Jamais plus je ne prendrai la vie d’un autre homme.
— S’il y a une chose qui vous rattache à ce monde, c’est bien votre fille. Allez-vous vraiment rester sans rien faire et ne rien tenter pour la sauver ?
— Il en sera fait selon la volonté de Dieu.
Furieux, Ballista parcourait la pièce du regard.
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