L'Orient à feu et à sang
guerriers se déversant dans la ville depuis la nécropole chrétienne. Ballista gravit deux à deux les marches menant sur le toit de la tour.
Lorsqu’il fit irruption sur la plate-forme de combat, il vit deux Perses de dos, tenant des torches. Ils envoyaient des signaux aux guerriers qui escaladaient le flanc du ravin sud. Du revers, il porta un coup de taille à la tête du premier. Tandis que le second se retournait, il balança son épée de droite à gauche et le frappa au coude. L’air hébété, il contempla le sang qui jaillissait de son moignon avant que Ballista enfonçât la pointe de sa lame dans sa bouche. L’espace d’un instant, l’épée sembla coincée, puis Ballista la tira et la lame se dégagea, faisant voler des fragments de dents et jaillir un flot de sang.
Une voix de tonnerre retentit.
— Viens ! Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval livide ; celui qui le montait, on le nomme : la Mort ; et l’Hadès le suivait.
Theodotus montrait Ballista du doigt. Entre les deux hommes, des guerriers alignés combattaient. Ballista voyait clairement la haute silhouette du prêtre chrétien se dresser au-dessus des combattants ramassés sur eux-mêmes. Son visage rayonnait. Il criait, sa voix couvrant le fracas des armes.
— Le sixième ange versa sa coupe sur le grand fleuve Euphrate et ses eaux furent asséchées pour ouvrir la voie aux rois venus d’Orient.
Ses paroles n’avaient aucun sens pour Ballista.
— Pourquoi, Theodotus ? Pourquoi trahir vos concitoyens ?
Theodotus partit d’un grand rire qui secoua sa grande et épaisse barbe.
— Leur armée comptait deux fois dix mille fois dix mille cavaliers ; on m’en donna le nombre… Ils portaient des armures couleur de feu, de saphir et de soufre.
— Espèce de fou, lui cria Ballista. Ils nous tueront tous. Ils n’épargneront pas les chrétiens. Ils n’épargneront personne.
— Je vis surgir une bête – Theodotus continuait à déclamer – à dix cornes et sept têtes avec dix diadèmes sur ses cornes et sur ses têtes un nom impie… que celui qui est doué d’esprit calcule le nombre de la bête, car c’est un nombre humain, son nombre est six cent soixante-six.
— Pourquoi ? hurla Ballista. Pourquoi laisser les Sassanides massacrer les habitants de cette ville ? Par pitié, pourquoi ?
Theodotus cessa de psalmodier. Il fixa Ballista d’un œil perçant.
— Ces Sassanides ne sont que des reptiles. Je ne le fais pas pour eux. Ils ne valent pas mieux que toi. Ce ne sont que l’instrument de Dieu. Je le fais par pitié – par pitié pour les pécheurs. Les Sassanides sont le châtiment que Dieu, dans son infinie miséricorde, a ordonné pour les péchés des habitants d’Arété. Chrétiens ou païens, nous sommes tous des pécheurs.
Submergés, les Perses sur la plate-forme de combat tombaient sous les coups des Romains. Un soldat traversa leur ligne et se dirigea vers Theodotus.
— Quiconque adore la bête… Il subira le supplice du feu et du soufre, en présence des saints anges et de l’agneau.
Le soldat abattit son épée, frappant Theodotus à la jambe. Le chrétien chancela.
— Bénis soient les morts qui meurent dans le Seigneur.
Le soldat frappa à nouveau. Theodotus tomba à quatre pattes.
— Le salut…
Le soldat l’envoya ad patres de la manière préconisée par les instructeurs militaires : un, deux, trois grands coups de taille derrière la tête.
Sur la plate-forme, toute résistance avait été vaincue. Ballista compta les hommes restants : Maximus, Turpio, Acilius Glabrio, deux equites singulares, trois légionnaires de la Cohors XX. Neuf hommes en tout avec lui.
— Y a-t-il des blessés qui ne peuvent pas courir ?
Un silence se fit, puis Turpio s’avança.
— Je les ai… Je m’en suis occupé.
Ballista acquiesça.
— Voici ce que nous allons faire. Les Perses passent sous le mur et vont directement dans la ville. Il n’y a pas de Perses sur les remparts.
Ballista n’était pas du tout sûr que cela fût vrai. Il s’aperçut qu’il trépignait, qu’il débordait d’énergie.
— Nous allons nous diriger vers l’est, vers le fleuve, en suivant la muraille. Lorsque la voie sera libre, nous descendrons des remparts et nous rejoindrons la demeure d’Iarhai. Une fois là-bas, nous récupérerons… Nous devrions pouvoir rameuter plus d’hommes. Ensuite, nous traverserons l’est de la ville jusqu’au palais.
Ballista vit la
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