L'Orient à feu et à sang
de matériaux, immédiatement disponibles, pour construire des ouvrages de siège. Ils allaient lui rendre la vie dure à plus d’un titre.
Ballista reporta son attention à l’intérieur des murs. Derrière la porte s’ouvrant sur le désert, la rue principale d’Arété dessinait une ligne droite ; d’autres rues la croisaient, à intervalles réguliers, exactement à angle droit. L’ensemble d’îlots rectangulaires bien nets couvrait presque toute la ville, se désagrégeant seulement dans le coin sud-est pour être remplacé par des ruelles tortueuses. Dans le coin nord-ouest, Ballista apercevait une zone dégagée, probablement le campus martius, (le Champ de Mars), le terrain d’exercices de l’armée dont Turpio lui avait parlé.
Ballista scruta à nouveau la ville, répertoriant cette fois-ci ce qui ne s’y trouvait pas : pas de théâtre, pas de cirque, pas d’agora apparente et surtout, pas de citadelle.
Son évaluation était mitigée. La zone découverte ainsi que le plan hippodamien [46] créant des îlots réguliers faciliteraient le rassemblement et le déplacement des troupes défensives. Mais si l’ennemi parvenait à ouvrir une brèche dans les murs, en l’absence d’une deuxième ligne de défense ou de bâtiments permettant d’en improviser une, la régularité de la trame urbaine jouerait alors en sa faveur. Tellement d’hommes allaient mourir à Arété au printemps prochain…
— Le kyrios réfléchit !
Le chuchotement furieux de Demetrius tira Ballista de ses pensées. Il se tourna sur sa selle. Maximus et Romulus, impassibles, semblaient fixer un point au-dessus de sa tête. Demetrius avait mis son cheval en travers du chemin.
— Laisse-la passer, Demetrius.
Bathshiba sourit au jeune Grec, qui semblait ne plus savoir s’il devait la foudroyer du regard. Elle talonna son cheval et l’amena à côté de celui de Ballista.
— Alors, vous demandez-vous si cela en vaut la peine ?
— Dans un sens, oui. Probablement pas dans celui que vous croyez.
— Est-ce que cela vaut la peine qu’un célèbre général romain et un guerrier du Nord tel que vous accomplisse un aussi long voyage pour défendre un patelin infesté de mouches comme celui-ci ? Voilà le sens que je prêtais à la question. Et un patelin infesté de mouches rempli de Syriens luxurieux, décadents et efféminés qui plus est.
— Les gens de mon peuple – lorsqu’ils ne sont pas trop occupés à se peindre en bleu, à se soûler ou à s’entretuer, bien sûr – racontent cette histoire : un soir, un étranger se présenta à Asgard, la demeure des dieux, et offrit de construire un mur tout autour en échange de la main de Freyja, la belle déesse.
— Je ne suis pas certaine que mon père ou votre épouse apprécieraient la manière que vous avez de me faire des compliments.
Ballista rit.
— Je suis sûr qu’ils ne l’apprécieraient pas, en effet. Et je suis sûr aussi que vous n’êtes pas venue uniquement pour le plaisir de ma compagnie.
— Non. Mon père sollicite votre permission d’envoyer un messager afin de prévenir nos concitoyens de notre arrivée. Son messager peut aussi aviser les édiles afin qu’ils viennent vous accueillir aux portes de la ville.
Ballista réfléchit un instant.
— Bien sûr, votre père peut envoyer un messager à vos concitoyens. Mais j’enverrai un membre de ma suite pour aviser les autorités. Remerciez votre père de son offre.
« Cela fait toujours une complication politique en moins », pensa Ballista.
— Et l’étranger a-t-il obtenu la main de la déesse ? dit Bathshiba en tournant bride.
— Non, les dieux se sont ris de lui. Les histoires du Nord ont rarement une fin heureuse.
Anamu attendait le nouveau Dux Ripæ aux portes d’Arété.
La colonne de poussière s’éloignait des collines et se dirigeait vers la ville. Au moins ce nouveau seigneur barbare avait-il eu la bienséance, ou avait été assez bien avisé, d’envoyer un messager. En fait, tout avait été préparé depuis quelques jours déjà et, ce matin-là, les éclaireurs qu’Anamu avait postés sur la crête des collines avaient rapporté que le nouveau Dux Ripæ était en vue. Les hommes d’Ogelos aussi étaient là.
Anamu regarda Ogelos de l’autre côté de la route. Comme c’était souvent le cas, l’ostensible simplicité de sa tenue irritait Anamu : la tunique unie descendant à mi-mollets, le cordon blanc en guise de ceinture, le
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