L'Orient à feu et à sang
engagé dans l’armée, avait pris le nom ridiculement romain de Romulus, talonnèrent leurs chevaux et le suivirent. Le draco qu’il portait claquait et sifflait dans le vent.
Ballista était assis sur son cheval gris au sommet de la colline et contemplait la ville d’Arété. Elle était située à environ un mille et à trois cents pieds en contrebas. De son observatoire, il pouvait voir l’intérieur de la ville et distinguer ses principales caractéristiques. Sa première évaluation était assez encourageante.
Au loin, à l’est, en bas de ce qui semblait être une falaise escarpée, coulait l’Euphrate qui avait la réputation d’être l’un des plus grands fleuves, l’une des limes imperii, les limites de l’empire. Cette réputation n’était pas usurpée : il était énorme, aussi grand que le Rhin ou le Danube et comme eux, il ne coulait pas dans une seule direction. Il comportait plusieurs îles, dont une assez grande très proche de la ville. Pourtant, il était si large qu’il n’y avait aucune chance que l’ennemi parvînt à le traverser sans rassembler un très grand nombre de bateaux ou sans construire un pont. Ce qui, dans les deux cas, prendrait du temps, ne pourrait pas se faire à l’insu des assiégés et pourrait être contrecarré.
Au nord et au sud, la ville était bordée de ravins. L’ingénieur qui sommeillait en Ballista imaginait les pluies d’hiver érodant la roche friable au cours des millénaires. Le ravin au sud était le plus petit. Il se creusait tout près des murs, son versant le plus éloigné remontant au niveau de la plaine à quelque neuf cents pieds de la ville. L’écart entre le pied des murs et le bord du ravin nord était un peu plus grand, mais ne dépassait pas une vingtaine de pieds. Ce ravin se scindait en deux, un premier éperon rocheux s’élevant devant l’extrémité de la muraille ouest de la ville, l’autre se fondant dans les collines au nord-ouest. Les deux ravins étaient larges d’au moins six cents pieds en n’importe quel endroit, ce qui les mettait tout juste à portée des machines de jet.
Le côté ouest semblait le plus propice à une attaque. Depuis le pied des collines, une plaine tapissée de roches beiges s’étendait jusqu’aux murailles de la ville. À part quelques gros rochers çà et là, elle ne comportait aucun élément de relief.
Ballista étudiait la scène d’un œil professionnel. À cette distance, les murs, hauts et en bon état, lui semblaient bons. Il distinguait cinq tours rectangulaires en encorbellement surmontant la muraille au sud et à l’est, trois au nord, et pas moins de quatorze à l’ouest. Les murs en face de la plaine et de l’Euphrate comportaient des portes fortifiées, chacune flanquée de deux tours. Un groupe d’hommes poussant des ânes devant eux s’approchait de la porte principale, probablement des paysans venus des villages du nord-ouest apportant des vivres. S’en servant comme d’un repère, Ballista estima à presque trois mille pieds la longueur du mur faisant face à la plaine. Ce qui voulait dire une distance de presque deux cents pieds entre chaque tour en encorbellement. Bien que celles de l’extrémité nord fussent plus rapprochées, ce qui faussait la moyenne, une observation attentive montrait que les tours n’étaient jamais espacées de plus de trois cents pieds. Une très bonne chose. Les tours permettaient aux assiégés d’envoyer des projectiles à la fois sur les côtés, le long de la muraille, et devant elle. La plupart des espaces entre les tours correspondaient à la portée d’un javelot et tous étaient inférieurs à la portée d’une flèche. Un assiégeant s’approchant des murs aurait donc à essuyer des tirs venant de trois directions. Il semblait que les bâtisseurs de l’enceinte d’Arété eussent concentré leurs ressources (construire des tours prenait du temps et coûtait de l’argent) au bon endroit.
Le seul problème apparent était la nécropole. Une suite de tombeaux monumentaux – d’après ses calculs approximatifs, au moins cinq cents, peut-être plus – s’étendait depuis le mur ouest sur un demi-mille, à mi-distance des collines. Et ils ressemblaient en tout point à ceux de Palmyre : de hautes tours carrées en pierre. Chacun de ces tombeaux permettait à l’assaillant de se mettre à couvert. Chacun était une potentielle plate-forme d’artillerie. Pris ensemble, ils constituaient une formidable source
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