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L'Orient à feu et à sang

L'Orient à feu et à sang

Titel: L'Orient à feu et à sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harry Sidebottom
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flûte, commencèrent à jouer doucement. Leurs visages semblaient vaguement familiers à Demetrius.
    L’arrivée de Bathshiba avait interrompu la conversation. Son décolleté généreux et sa peau satinée affriandaient Ballista et Acilius Glabrio ; pourtant Ballista semblait bien en peine de trouver quelque chose à dire. Il reprit bientôt la conversation qu’il avait engagée avec Iarhai sur l’endurance comparée du cheval et du chameau. Acilius Glabrio, au contraire, s’amusait énormément. Attentif, enjoué et drôle, il était clair qu’il se considérait comme le compagnon de table idéal d’une jeune fille. Bien que l’on parlât en grec, il ne pouvait résister à une saillie poétique en latin de temps à autres :
    Le vin rend l’âme apte à s’enflammer,
    la dispose à la passion,
    Les soucis disparaissent, noyés dans la boisson.
    Alors viennent les rires, alors le pauvre s’enhardit :
    Son front se déride, ses peines se dissipent,
    son chagrin s’évanouit.
    Et la franchise aujourd’hui si rare, en nos cœurs s’épanouit
    Tandis que le dieu en dissipe l’artifice.
    Souvent, l’esprit des hommes en ce moment propice
    Par une jeune femme est captivé
    Car Vénus dans le vin, c’est le feu dans le feu !
    Le dessert était empreint de la même sobriété, presque extravagante, que les autres services du repas : fruits secs, prunes de Damas, figues et dates locales, pistaches et amandes, un fromage fumé, des poires pochées et des pommes fraîches. On remplaça le vin par un vin sucré et foncé de Lesbos.
    Demetrius n’aimait pas la tournure que prenait les choses. Ballista et Iarhai buvaient encore plus vite qu’avant. Le regard de son kyrios brillait d’une étrange lueur et il y avait dans son maintien quelque chose d’obstiné. Il était clair que l’aisance d’Acilius Glabrio en présence de Bathshiba l’agaçait. Le jeune patricien semblait pouvoir à tout moment faire ressortir le pire chez Ballista. En toute honnêteté, la fréquence croissante des récitations de poèmes latins du tribun commençait aussi à énerver Demetrius. Après chaque déclamation, le jeune patricien se rasseyait, le sourire aux lèvres, comme pour savourer un trait d’esprit que lui seul pouvait comprendre. Il évitait soigneusement de citer le nom du poète et son auditoire ne le lui demandait pas, par politesse ou par réticence à montrer son ignorance. Comme la plupart des Grecs éduqués, Demetrius prétendait en public ne rien entendre à la littérature latine alors même qu’il en avait, en privé, une assez bonne connaissance. Il connaissait les poèmes que le patricien se complaisait à réciter, mais ne parvenait pas à les identifier pour le moment.
    L’accord final, un peu théâtral, de la lyre le fit reporter son attention sur les musiciens. Enfin, il les reconnut. Ce n’était pas du tout des esclaves musiciens, mais deux des mercenaires de Iarhai. Il les avait entendus jouer, lors des bivouacs. Avec une appréhension croissante, le jeune Grec parcourut la pièce des yeux. Les quatre esclaves de Iarhai étaient des hommes mûrs, à l’air capable. Et ce n’était pas non plus des esclaves, mais des mercenaires eux aussi. Il se demanda si les deux « ombres » qui se détendaient à table n’étaient pas deux officiers des troupes de Iarhai. « Par tous les dieux, il pourrait tous nous faire tuer en un instant. » Une scène de Plutarque lui revint à l’esprit : Marc Antoine et Octave sont en train de dîner sur le vaisseau amiral de Sextus Pompée, et le pirate Ménas chuchote à l’oreille de l’amiral : « Dois-je couper les amarres et faire de toi le maître du monde ? »
    — Demetrius !
    Ballista agitait impatiemment sa coupe vide et le jeune Grec fut brusquement ramené à la réalité. Iarhai et Ballista buvaient et devisaient joyeusement ensemble. Pourquoi le protecteur de caravanes aurait-il voulu tuer Ballista ? Sextus Pompée n’avait-il pas décliné l’offre ? « Ménas, que n’as-tu pas agi au lieu d’en parler au préalable. »
    … nulle parcelle de votre temps ne perdez
    Jouissez tant que vous le pouvez, pendant
    le printemps de la vie.
    Comme l’eau, s’écoulent les années, jamais
    ne reviendra le flot qui fuit.
    L’heure une fois passée est passée sans retour.
    Acilius Glabrio s’étendit à nouveau, un petit sourire aux lèvres ; sa main caressa furtivement le bras de Bathshiba.
    Ovide. Demetrius s’en souvenait,

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