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L'Orient à feu et à sang

L'Orient à feu et à sang

Titel: L'Orient à feu et à sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Harry Sidebottom
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maintenant. Et le fragment était tiré de L’Art d’aimer. Quelle fripouille prétentieuse ! Acilius Glabrius le lisait pas plus tard qu’hier. C’était donc ça, son érudition ! Pas de quoi se répandre en petits sourires satisfaits. Demetrius se remémorait la suite du passage :
    Un temps viendra où, toi qui aujourd’hui
    repousses ton amant,
    Vieille et délaissée tu grelotteras dans ton lit solitaire ;
    Les galants dans leurs querelles nocturnes
    ne briseront plus ta porte
    Et le matin tu n’en trouveras plus le seuil jonché de roses.
    Si tôt hélas, la chair se ride et s’affaisse,
    le teint radieux n’est plus
    Ces cheveux blancs qui, tu le jures, datent de ton enfance,
    Te couvriront bientôt toute la tête.
    Les passages qu’Acilius Glabrio avait récités semblaient n’avoir été qu’une série de railleries aux dépens des autres convives, dont il pensait sans doute qu’ils étaient bien trop ignares pour s’en apercevoir.
    Et ce passage sur l’arrivée tardive, quelle en était la suite déjà ?
    Fussiez-vous laide, vous paraîtrez belle
    à des yeux troublés par le vin.
    Douces lumières et ombres jetteront
    leur voile sur vos imperfections.
    Pour le moment, Demetrius ne pouvait rien dire à personne. En fait, le résultat serait sûrement catastrophique s’il se risquait à confier ce qu’il avait découvert à un Ballista passablement éméché. Au moins avait-il percé à jour le petit secret de ce patricien romain présomptueux.
    Au signal de Iarhai, on apporta les couronnes de roses et les bols de parfum qui annonçaient que le repas était terminé et qu’il était maintenant temps de se livrer à de sérieuses libations. Demetrius posa une couronne sur la tête de Ballista et plaça son bol de parfum à portée de sa main droite. Après s’être oint, Ballista fit signe au jeune Grec de s’approcher. Il se saisit d’une couronne supplémentaire, que Iarhai avait fournie à cet effet, et la posa sur la tête de Demetrius. Puis, il oignit le garçon.
    — Longue vie, Demetrius.
    — Longue vie, Kyrios.
    —  Trinquons ! dit Acilius Glabrio qui ne tenait pas son esclave en assez haute estime pour l’oindre ou le coiffer d’une couronne de roses. Trinquons en l’honneur de notre hôte, le synodiarque, le protecteur de caravanes, le strategos, le général. Le guerrier dont l’épée jamais ne se repose. L’homme qui a pataugé jusqu’aux chevilles dans le sang perse pour libérer cette ville. À Iarhai !
    Avant que les convives ne pussent porter leur coupe à leurs lèvres, Iarhai se tourna vers le jeune Romain et le foudroya du regard. La colère, tout juste réprimée, tordait le visage cabossé du synodiarque. Sous la pommette droite cassée, un muscle palpitait.
    — Non ! Personne ne trinquera à cela dans ma maison. (Iarhai regarda Ballista.) Oui, j’ai aidé à mettre un terme à l’occupation de cette ville par les Sassanides. (Il eut un rictus de dégoût.) Vous êtes peut-être trop jeune pour comprendre, mais celui-là ne comprendra probablement jamais.
    D’un mouvement de tête, il indiqua Acilius Glabrio. Ses yeux étaient toujours posés sur le Dux mais il semblait s’être retiré en lui-même.
    — De nombreux soldats de la garnison perse avaient leur famille avec eux. Oui, j’ai pataugé jusqu’aux chevilles dans le sang – le sang de femmes, d’enfants, de nourrissons. Nos braves concitoyens ont pris les armes et les ont massacrés, violés, torturés, puis assassinés – pas un n’en réchappa. Ils se vantaient de « nettoyer » la ville, de la purger de ses « reptiles ».
    Iarhai sembla revenir à lui. Il regarda Bathshiba, puis Ballista.
    — Toute ma vie, j’ai tué. C’est ce que fait un synodiarque. On protège les caravanes. On parle aux bédouins. On ment, on triche, on soudoie, on transige. Et lorsque tout échoue, on tue. Je fais des rêves, de mauvais rêves. (Un muscle palpita sur son visage.) Des rêves que je ne souhaiterais à personne, pas même Anamu ou Ogelos… Croyez-vous en l’au-delà ? En un châtiment dans l’au-delà ? (Son regard se perdit à nouveau dans le vague.) Il m’arrive de rêver que je suis mort. Je me tiens dans le bosquet de peupliers noirs, au bord du fleuve Océan. Je paye le passeur. Je traverse l’haïssable rivière. Rhadamanthe me juge. Je dois rejoindre la plaine du Tartare. Et elles m’y attendent, « les Bienveillantes », les puissances du châtiment, et derrière

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