L'Orient à feu et à sang
et parfumaient la pièce.
Il n’y avait qu’un triclinium, en forme de sigma final, un demi-cercle où sept personnes pouvaient s’étendre, et une table au milieu. Quatre hommes se tenaient debout, buvant du conditum, du vin chaud épicé. Parmi eux, l’hôte et Acilius Glabrio. Demetrius ne connaissait pas les deux autres.
— Soyez les bienvenus chez moi, Ballista et Mamurra.
Iarhai leur tendait la main.
— Merci de nous avoir invités.
Ballista se tourna vers Acilius Glabrio.
— Tribunius Laticlavius.
— Dux.
Aucun d’eux ne sourit.
Iarhai proposa à boire aux nouveaux arrivants qui acceptèrent, et leur présenta les deux autres hommes. Demetrius les consigna dans sa mémoire comme des umbrae, des ombres, des clients de l’hôte.
— Ma fille nous demande de ne pas l’attendre. Elle nous rejoindra plus tard.
Ballista et Acilius Glabrio semblèrent se réjouir. Demetrius accusa le coup.
— Dites-moi, Dux, comment trouvez-vous le temps qu’il fait chez nous ? demanda Iarhai, souriant.
— Magnifique. Je suis surpris que les sénateurs eupatrides [53] de Rome n’aient pas abandonné la baie de Naples pour construire ici leurs villas de plaisance scandaleusement fastueuses.
Au moment où les mots sortaient de sa bouche, Ballista les regretta. Acilius Glabrio ne verrait pas d’un bon œil qu’un barbare se moquât ainsi des classes patriciennes. Il se tourna vers le tribun, un sourire qu’il espérait innocent aux lèvres, mais son regard ne rencontra qu’un visage hermétique et renfrogné. Leur antipathie mutuelle semblait croître à chaque nouvelle rencontre. L’aversion d’Acilius Glabrio à son égard irait-elle jusqu’à désobéir aux ordres ? En viendrait-il à déserter ou à trahir, comme Scribonius Mucianus ?
— Quelques amandes salées ? demanda Iarhai en s’interposant entre les deux hommes. Un idiot m’a dit un jour que si l’on mangeait assez d’amandes avant de boire, on ne s’enivrait jamais.
Mamurra se joignit à la conversation :
— Moi, j’ai entendu dire que si l’on portait sur soi une certaine gemme, on ne devenait jamais soûl non plus. Une améthyste peut-être ?
Le moment de gêne était passé.
— Passons à table.
Iarhai prit la place la plus haute, à gauche, et indiqua aux autres où ils devaient s’étendre : Ballista à côté de lui, puis une place libre réservée à Bathshiba ; venaient ensuite Acilius Glabrio et Mamurra. Les deux « ombres » occupant les places les moins honorifiques.
On apporta les premiers plats. Selon les critères des riches de l’ imperium, et il n’y avait aucun doute que l’hôte en fît partie, la nourriture était assez sobre : des anchois salés recouverts de tranches d’œufs durs, des escargots cuits au vin blanc avec de l’ail et du persil, et une salade de laitue et de roquette – bien équilibrée, puisque l’on considérait que la roquette était propre à exciter la lubricité et que l’on prêtait à la laitue des vertus anaphrodisiaques.
Les dîneurs mangèrent. Demetrius remarqua que Iarhai et Ballista buvaient beaucoup, à la différence des autres convives.
Arrivez tard, lorsque les lampes sont allumées
Et pleine de grâce faites votre entrée :
Car le retard souligne le charme.
Tandis qu’il récitait le fragment de poésie latine, Acilius se leva avec aisance.
Bahshiba se tenait debout sur le seuil, éclairée par derrière. Même Demetrius dut admettre qu’elle était ravissante. Elle portait une robe légère de soie blanche qui épousait et soulignait la rondeur de ses seins et de ses hanches. Demetrius savait que Ballista la trouverait irrésistible. Les autres convives se mirent debout ; aucun n’avait la grâce qu’avait montrée Acilius Glabrio.
Bathshiba adressa un sourire éclatant au jeune patricien, ses dents très blanches tranchant sur sa peau olivâtre. Tandis qu’elle se dirigeait vers le triclinium, ses seins se balancèrent doucement, lourds mais fermes, à l’évidence libres sous sa robe. Elle prit gracieusement la main qu’Acilius Glabrio lui tendait pour l’aider à prendre place, et eut un léger sourire à l’attention de Ballista à ses côtés.
Les plats principaux étaient eux aussi d’une simplicité apte à heurter les nantis : sanglier, boulettes d’agneau, chou assaisonné d’huile, courge à la sauce au poivre, le tout accompagné du pain plat local. Deux musiciens, l’un tenant une lyre, l’autre une
Weitere Kostenlose Bücher