L'Orient à feu et à sang
de la porte de la Palmyrène sera réquisitionné par l’armée. Une compensation sera payée à la ville.
Le soleil se déversait dans la pièce par une porte ouverte derrière Ballista. La poussière flottait dans la lumière dorée. Maximus et Romulus entrèrent et se tinrent debout derrière Ballista.
— Les neuf cents mercenaires des trois protecteurs de caravanes seront regroupés en trois numeri, trois unités irrégulières de l’armée romaine. Ils seront rejoints par le même nombre de citoyens conscrits. Ces troupes seront payées par le trésor militaire. Leurs commandants auront le rang et la solde d’un præpositus.
Iarhai sourit. Les deux autres s’efforçaient de donner l’impression d’agréer un noble sacrifice ; Ogelos y parvenait mieux qu’Anamu. C’était une aubaine : l’effectif de leurs armées privées doublerait et la solde des soldats serait payée par l’État.
— Nous avons terriblement besoin de main-d’œuvre. Tous les hommes valides parmi les esclaves de la ville – et nous estimons leur nombre à au moins deux mille cinq cents – seront réquisitionnés pour former des équipes de travailleurs. Environ cinq mille citoyens seront aussi enrôlés à cet effet. Certaines professions en seront exemptées, mais travailleront exclusivement pour l’armée : les forgerons, les charpentiers, les fléchiers et les arctiers. La boulé dressera les listes nécessaires.
Les trois protecteurs de caravanes demeuraient impassibles mais derrière eux, les autres conseillers ne parvenaient pas tout à fait à réprimer leur colère : ils allaient devoir contraindre un grand nombre de leurs citoyens au travail forcé.
— Ces équipes de travailleurs aideront les troupes à creuser un fossé devant la muraille ouest, celle qui donne sur le désert, et à construire un glacis, un talus incliné devant ce fossé.
« Nous y voilà », pensa Ballista en touchant inconsciemment la garde de sa spatha.
— Afin de faire de la place pour le contre-glacis, le talus à l’intérieur des murs, les équipes de travailleurs aideront à démolir tous les bâtiments des premiers îlots en partant de la muraille ouest.
Un silence stupéfait se fit, puis des cris de protestation s’élevèrent des derniers gradins. Ballista continua, sa voix couvrant le brouhaha qui grandissant.
— Les équipes de travailleurs aideront aussi les troupes à détruire toutes les tombes de la nécropole devant les murs. Les gravats serviront à construire le glacis.
Tollé général. Presque tous les conseillers se levèrent, s’écriant :
— Les dieux nous abandonnerons si nous abattons leurs temples… Vous voulez donc que nous réduisions notre peuple à l’esclavage, que nous détruisions nos propres maisons, que nous profanions les tombes de nos ancêtres ?
La pièce résonnait de clameurs, on criait au sacrilège. Il y avait cependant çà et là quelques îlots de calme. Iarhai était toujours assis, le visage impénétrable. Anamu et Ogelos s’étaient levés, mais après avoir étouffé quelques exclamations de colère, ils se réfugièrent dans un silence pensif. Le chrétien hirsute restait assis, souriant béatement. Mais tous les autres conseillers étaient debout et hurlaient. Certains conspuaient Ballista, agitant le poing furieusement.
Par dessus les clameurs, Ballista s’écria qu’à partir de maintenant, pour faciliter la communication, ses ordres seraient affichés à l’agora. Personne ne semblait l’écouter.
Il se retourna et, Maximus et Romulus couvrant ses arrières, sortit au soleil.
X
Ballista pensa qu’il valait mieux laisser les choses se décanter après sa réunion avec la boulé. Les Syriens étaient notoirement impulsifs et il n’y avait pas lieu de risquer un échange de paroles âpres et inconsidérées. Pendant les deux jours qui suivirent, il resta dans les quartiers militaires, planifiant la défense de la ville avec son état-major.
Acilius Glabrio était ulcéré d’avoir perdu cent vingt de ses meilleurs légionnaires au profit de la nouvelle unité d’artilleurs. Et bien qu’ils ne fussent pas présents, il était sans doute fort mécontent de savoir que Iarhai, Anamu et Ogelos, encore une bande de Barbares parvenus à ses yeux, avaient été bombardés à des postes de commandement dans l’armée romaine. Il se réfugia dans une attitude étudiée de nonchalance et d’indifférence patricienne. Cependant, les autres travaillaient
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