Louis Napoléon le Grand
particulièrement active, fonctionnant au rythme de Louis Napoléon, qui, au moins jusqu'en 1860, se révèle comme un bourreau de travail.
On ne se contente pas d'avertir, d'encourager, de dissuader ministres, courtisans, et autres correspondants. On les renseigne également sur les sentiments de l'empereur à leur égard. Et au besoin, comme cela arrive souvent, on imagine ce qu'aurait pu dire l'empereur si on l'avait tenu informé, alors qu'on n'a pu le faire, par crainte d'abuser de son temps.
Réplique de ce cabinet civil, une autre équipe suit de près les problèmes de l'armée. Fleury, en effet, est toujours là. Il est devenu général, et dirige à titre principal le bureau militaire, qui est chargé d'entretenir les relations avec les troupes, fonction où il fait preuve d'une redoutable efficacité. Toute lettre, fût-elle celle d'un simple soldat, reçoit sa réponse. Les hommes du gouvernement, maintenant comme au temps de l'Élysée, se méfient de son omniprésence et l'accusent de doubler le ministère de la Guerre. Il est probablement plus encore qu'un ministre-bis, tout proche qu'il est de Louis Napoléon, au point que certains le considèrent comme un véritable favori. En fait, l'Empereur ne se laisse guère influencer par lui, mais l'écoute volontiers, vérifiant souvent à l'aune de son esprit critique la qualité de ses propres intuitions.
Fleury ne lui a jamais fait défaut. Il a été de tous les coups durs. C'est lui qui a porté sa lettre de révocation à Changarnier, lui qui est allé en Algérie recruter pour le coup d'État et en a ramené Saint-Arnaud, lui qui, le 2 décembre, s'est bravement mêlé à la foule des boulevards pour apprécier la réalité de la situation; c'est probablement lui qui, à Solferino, convaincra l'empereur de faire donner la Garde au moment opportun. Avec cela, c'est un homme lucide, qui pousse dans la voie libérale, qui désapprouvera en 1858 le comportement d'Espinasse à l'Intérieur, lorsque celui-ci se lancera dans une répression sans issue, qui prônera les réformes, et qui prendra une part active à la préparation de la loi militaire.
Fleury a aussi ses faiblesses : nommé premier écuyer au début de l'Empire, il n'aura de cesse d'obtenir (en 1866!) le titre... de grand écuyer, dont il a toujours rêvé. On ne sait au juste si sa nomination en 1869 comme ambassadeur en Russie est une consécration ou une mise à l'écart exigée par Rouher. En tout cas, il sera fidèle jusqu'au bout et accompagnera Louis Napoléon dans l'exil.
Avec l'ensemble du cabinet, Louis Napoléon entretient de constantes relations: les notes et synthèses de dossiers lui parviennent en un flot quasi ininterrompu : il lit tout, annote et revoit. Ses observations valent instructions et, de l'avis général, sont souvent fort pertinentes, et poussées très loin dans le détail. Le cabinet prépare pour l'empereur les documents qui parviennent des circuits officiels, mais il a aussi sa propre production. Chez lui aboutissent les informations sur l'état d'esprit du pays et sur l'action de l'Administration. De là vont partir les impulsions décisives. C'est là que vont être préparés les discours et lesprincipales interventions de l'empereur. Fonction d'autant plus difficile qu'en la matière Louis Napoléon cherche à s'évader des sentiers battus; il tient souvent à rédiger lui-même tout ou partie de ces textes divers. Dans ce cas, Mocquard corrige le style.
L'empereur a déjà le sens de la communication, dans l'acception la plus moderne du terme. Pour faire connaître sa pensée, et frapper les imaginations, il emploie de nouvelles méthodes. Il rend publiques des lettres-programmes et fait éditer des brochures officieuses, qui font connaître, sans ambiguïté, quel est le fond de la pensée du souverain.
A cet égard, comme à bien d'autres, Louis Napoléon est probablement notre premier chef d'État moderne.
On peut trouver osé de soutenir cette thèse quand on observe la reconstitution d'un certain nombre de rites, de fastes et de règles directement inspirés du passé. Il n'en demeure pas moins que, dans ses procédures et ses techniques de gouvernement, l'empereur annonce très profusément ce qu'il adviendra par la suite.
Ainsi en est-il, par exemple, des voyages officiels, qui ont été nombreux du temps de la présidence et le demeureront pendant la phase impériale. Voyages soigneusement préparés, avec un grand souci du détail: une
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