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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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chargés d'une mission où les limites entre l'information générale et la surveillance sont indécises. La gendarmerie est active; la conception de l'ordre qu'elle doit mettre en oeuvre est étendue, sans cependant franchir la frontière qui conduirait à l'inquisition. La police dispose de larges pouvoirs en ville ; pour autant, la dimension de ses effectifs — rapportés aux trente-six millions d'habitants — interdit tout rapprochement rétrospectif avec des modèles que l'expérience récente nous a appris à connaître. Nous savons trop bien à présent ce que sont les Etats policiers pour refuser d'y inclure un régime qui, certes, surtout à ses débuts, se garde de tout et de tous, mais qui est finalement resté tout à fait débonnaire.
    Si, au commencement du règne, certaines décisions sont prises qui frisent le ridicule, comme l'interdiction aux colporteurs de distribuer livres et écrits non estampillés par la préfecture, comme la suppression des agrégations d'histoire et de philosophie ou celle des chaires de Guizot, Michelet et Victor Cousin, si les lendemains de l'attentat d'Orsini sont marqués par une fâcheuse nervosité, on exagérerait beaucoup en prétendant que l'Empire fut un régime dictatorial. Une soupape existe. C'est probablement l'empereur lui-même. Cela ne tient pas qu'à la placidité de son tempérament; mais à sa conviction, fermement établie, que c'estpar l'adhésion et non par la contrainte que le régime pourra perdurer.
    Cette conviction est la sienne. Elle n'est pas unanimement partagée, tant s'en faut. Comment s'étonner, dès lors, de certaines singularités dans les méthodes d'action de Louis Napoléon? On a parlé, à son sujet, d'entêtement dans l'indécision.
    En fait, à qui pourrait-il se confier, quand il prépare une décision dont il sait qu'elle ne correspond pas à l'opinion dominante, ou pis encore, qu'elle va à l'encontre de ce qui est souhaité par la plupart de ceux qui l'entourent? Alors, il garde ses réflexions pour lui, attendant, au risque de paraître tergiverser, l'heure où les choses seront mûres et les circonstances propices. Et, soudain, il décide, fait connaître sa résolution, n'en démord plus et, négligeant les objections, va droit au but qu'il s'est fixé.
    C'est ainsi, et seulement ainsi, qu'il peut parvenir à conduire une politique en opposition si fréquente avec son entourage immédiat et, plus généralement, en opposition avec les forces qui lui ont apporté leur soutien.
    Dès lors, ses façons de faire rompent avec les habitudes. Elles contredisent même le système, puisqu'il lui faut jouer contre le système. L'utilisation du secret, la recherche de voies parallèles ne sont donc pas seulement des manies, des séquelles de son passé aventureux et de ses complots. Elles correspondent pour lui à une nécessité.
    De là vient aussi la propension qui sera la sienne d'aller chercher hors de la hiérarchie officielle, hors de l'appareil de l'État, certains conseillers, porte-parole et chargés de mission. Ainsi s'explique le rôle que joueront les frères Pereire, Paulin Talabot ou Michel Chevalier, pour ne citer qu'eux.
    Ces hommes sont souvent des saint-simoniens. Ils ont en commun d'être à la fois des théoriciens, partageant les vues de l'empereur et des praticiens aptes à l'action. Ils brûlent d'expérimenter sur le terrain les idées dont ils sont porteurs, et savent gré à l'empereur de le leur permettre. Quand ils sont hors du système, Louis Napoléon réussit à les imposer, ou du moins à les utiliser en se portant lui-même à l'avant. S'ils sont déjà dans le système, il leur octroie des pouvoirs exorbitants : ce sera le cas pour Haussmann, à la préfecture de la Seine, ou encore pour Vaïsse, préfet du Rhône.
    Du coup, l'entourage et le personnel politique officiel sontassurés d'une très grande stabilité. Profitable au début, cette stabilité apparaîtra aussi, bien vite, comme l'indice d'une incapacité de l'empereur à attirer vers lui des hommes nouveaux et d'autres générations que celles qui s'étaient initialement engagées.
    La longévité du personnel gouvernemental est pourtant, d'abord, l'effet d'une volonté délibérée de Louis Napoléon. Il n'aime pas à changer de têtes. Il déteste blesser, on l'a dit. Quand il procède aux remaniements que peuvent lui imposer les circonstances, il s'agit presque toujours de permutations, rarement d'évictions. Louis Napoléon a pour règle

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