Louis Napoléon le Grand
a fortiori de responsabilité parlementaire. Il était entendu que tout son pouvoir émanait de l'empereur. Louis Napoléon, pour diverses raisons déjà évoquées et parce qu'on était encore en période transitoire, avait laissé démissionner Morny, Fould, Magne et Rouher, qui s'étaient trouvés en désaccord avec lui dans l'affaire de la dotation des Orléans. Par la suite, il avait été nettement convenu que, sauf cas de force majeure, on ne partait que lorsque l'empereur le décidait.
Les ministres n'en reconstituèrent pas moins, très tôt, un véritable Conseil de cabinet, sous la forme de dîners réguliers qu'ils organisaient à tour de rôle. L'empereur laissa faire. Ce n'était guère dangereux. Il faudra attendre 1863 pour que se produise une première crise ministérielle. Pour l'heure, aux yeux de Louis Napoléon, l'essentiel était préservé.
Comme l'a écrit Ollivier: « L'Empereur tenait à ce qu'on sût qu'il gouvernait... Il ne supportait pas de voir d'autres se parer d'une résolution qui, même conseillée par eux, n'existait que par sa propre volonté. »
Dans toutes les affaires du « domaine réservé », Louis Napoléon tenait le plus souvent l'ensemble de ses ministres dans l'ignorance la plus totale de ses décisions. Il lui arrivait de ne traiter le dossier qu'avec le ministre compétent, et même de se passer de lui.
Du côté des Assemblées, le Sénat ne lui causait guère de soucis... et sa passivité semblait même plutôt décevante.
En revanche, le Conseil d'État, sur lequel Louis Napoléon avait fondé bien des espoirs se montrait souvent rétif. Pourtant l'empereur l'avait dit sans ambages : « Les Conseillers d'État sont non des magistrats mais des hommes politiques chez qui je ne dois point rencontrer de résistance. »
Ce fut peine perdue. Et Louis Napoléon confia plus tard à Darimon avec quelque amertume : « Le Conseil d'État renferme certainement une foule d'hommes éclairés, mais les réformes les effrayent. Ils ont toujours quelque texte de loi à m'opposer. J'aurais fait beaucoup plus pour les classes ouvrières que je ne l'ai fait si j'avais rencontré dans le Conseil un puissant auxiliaire. »
C'est vrai que le Conseil d'État, plus que réticent devant la volonté d'innover de l'empereur, a freiné, retardé, empêché bien des mesures — le projet d'organisation d'un Crédit agricole en donnant une illustration, parmi beaucoup d'autres...
Reste le Corps législatif, dont l'évolution suit la courbe du régime. Assemblée essentielle, dans la mesure où elle incarne le lien avec le suffrage universel, au même titre que le plébiscite, même si la substitution de la dénomination de « députés » à celle de « représentants » signifie plus ou moins clairement que le plébiscite l'emporte, en légitimité, sur le mode de désignation des ci-devant représentants.
Dès l'origine, cette Assemblée échappe à l'inertie. Si modestes que soient ses moyens d'action, elle en tire tout le parti possible pour exprimer ses réticences vis-à-vis des initiatives de l'empereur, notamment dans le domaine des finances publiques.
Il est vrai qu'on a recherché pour la peupler des non-politiques, inventant, avant la lettre, et simultanément, la mode des « socio-professionnels » et celle des tenants de la « société civile ». Mais toute médaille a son revers : ces hommes ont souvent des intérêts, donc quelques idées; mais, surtout, des répulsions.
Après les élections de 1852, il n'y a officiellement, sur les deux cent soixante et un députés que compte la Chambre, aucun opposant. En fait, huit ont été élus: mais les trois républicains refusent de siéger, tandis que les deux indépendants et les trois légitimistes ne se font guère remarquer...
Cela n'empêche pas les députés de faire entendre leur voix. Plusieurs projets de loi émanant de l'exécutif durent être retirés. Et la grogne s'exprima vite devant les facilités budgétaires que sollicitait le gouvernement. On a calculé que le premier Corps législatif avait discuté près de deux mille amendements — ce qui n'est pas négligeable — dont plus de huit cents furent finalement adoptés. C'est redire que le système de la candidature officielle n'a pas eu les effets qu'on lui prête.
Certes, une fois désigné, le candidat retenu par le préfet al'appui de l'Administration tout entière, donc les meilleures chances de l'emporter. Georges Pradalié, dans son Second Empire
Weitere Kostenlose Bücher