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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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cite les remarques de deux préfets qui ont particulièrement bien compris ce qu'on attend d'eux. Celui de la Haute-Loire : « Nous autres, administrateurs, désintéressés dans la question et qui ne représentons en définitive que la collection de vos intérêts, nous apprécions, nous jugeons les candidatures et après notre examen, nous vous présentons celle qui nous paraît la meilleure. »
    Et celui de l'Aube, qui précise : « Pour nous, fonctionnaires publics, à quelque degré de la hiérarchie que nous soyons placés, nous n'oublierons pas que l'autorité et la légitime influence que donnent les fonctions que nous tenons de la confiance du gouvernement doivent tout entières être consacrées à faire prévaloir ses décisions et à faire respecter ses lois. »
    En tout cas, le pire qui peut arriver à un préfet, c'est que son candidat ne soit pas élu. Il a donc tout intérêt à soutenir celui dont il pense qu'il correspond à l'opinion dominante dans l'électorat. Du coup, et quoi qu'on en ait dit, le Corps législatif a toujours été, en fin de compte, un reflet assez fidèle de l'état de l'opinion.
    Bien sûr, il n'est pas interdit de saluer le talent et le sens de la formule de Victor Hugo, décrivant cette Assemblée qui « marche sur la pointe des pieds, roule son chapeau dans ses mains, sourit humblement, s'assied sur le bord de sa chaise et ne parle que quand on l'interroge ». Et l'on peut éprouver quelque compassion pour Montalembert quand il évoque sa dure expérience : « L'Histoire dira, si elle prend la peine de s'en occuper, quelle fut l'infatigable complaisance et l'incommensurable abaissement de cette première Assemblée du second Empire. L'étouffement de la parole le disputait à la prestesse du vote... Nul ne saura jamais ce que j'ai souffert dans cette cave sans air et sans jour où j'ai passé dix ans à lutter contre des reptiles. »
    Il reste que le système n'a pas interdit à Montalembert de trouver place dans la cave qu'il décrit, et que les reptiles qu'il dénonce étaient, il ne le nie d'ailleurs pas, représentatifs de la France de ce temps.
    Et c'est probablement pour qu'il en fût ainsi que Louis Napoléon avait tant souhaité qu'on mît les préfets en situation de bien connaître leur département.
    « J'attache, écrivait-il à Persigny, la plus grande importance à la stabilité des Préfets dans leurs départements. Un Préfetmédiocre, mais connaissant depuis longtemps le pays, vaut mieux qu'un Préfet distingué et de passage. »
    Les élections de 1857 allaient d'ailleurs prouver que, dès lors qu'elle reprendrait consistance, une opposition pourrait s'exprimer et accéder au Corps législatif. Les candidats hostiles au gouvernement rassemblèrent 665 000 voix contre 5 471 000 à la majorité. Cinq républicains furent élus: Émile Ollivier, qui allait s'avérer l'adversaire le plus redoutable, le docteur Hénon, Darimon, Carnot et Godchaux. Les deux derniers cités démissionnèrent pour ne pas avoir à prêter serment, et furent remplacés, à la faveur d'élections partielles, par Jules Favre et Ernest Picard.
    La nouvelle Chambre devait rapidement démontrer qu'elle pouvait, au-delà même de ce petit groupe, manifester son indépendance. Quelques semaines après l'ouverture de la législature, l'attentat d'Orsini était venu rappeler — comme celui du Petit-Clamart, un peu plus d'un siècle plus tard — combien le régime restait tributaire d'un seul homme. Or, la loi des suspects soumise au Corps législatif suscita l'opposition de vingt-quatre députés.
    La réalité du rôle du Corps législatif est illustrée encore par plusieurs autres incidents dont le pouvoir exécutif ne sortit pas systématiquement vainqueur. Ainsi en fut-il par exemple, en 1862, quand Louis Napoléon souhaita le vote d'une dotation à Cousin-Montauban, qui venait de s'illustrer en Chine.
    Les députés ne voulurent rien entendre, choqués qu'ils avaient été par les exactions et les rapines qui avaient suivi la prise de Pékin et dont l'écho faisait scandale. Il est probable, de surcroît, qu'ils n'étaient pas mécontents de saisir ce prétexte pour exprimer leur désaccord implicite à l'égard d'expéditions lointaines dont ils ne percevaient guère l'opportunité et dont ils appréhendaient le coût.
    Louis Napoléon fut contraint de s'impliquer personnellement pour tenter d'arracher la décision; et n'obtint pas pour autant gain de cause. Il en fut réduit à

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