Louis Napoléon le Grand
gouvernementdevant le Corps législatif. A peine parvenu à ce ministère d'État, donc au sommet, il mourut, épuisé, à cinquante-quatre ans, laissant le champ libre à Rouher...
Avec Fould et Magne, on a affaire aux deux financiers du régime, qui serviront en alternance.
Achille Fould, issu de la Banque israélite, lui-même converti au protestantisme, fut l'homme de confiance de Louis Napoléon pour les problèmes d'argent, confiance qu'il dut davantage à sa compétence qu'à ses choix politiques. Ancien député de la majorité sous Guizot, c'était plutôt un financier traditionaliste, ennemi par principe des dépenses excessives, ce qui l'amena parfois à prendre ses distances et à manifester une fidélité pour le moins sélective.
Non moins attaché à l'orthodoxie financière, Magne était plus un « politique ». Lui aussi avait été élu sous Guizot, et le prince-président l'avait distingué de bonne heure en le nommant au gouvernement dès 1850. Au pouvoir tout au long du règne, il occupa d'autres postes que les Finances. A la fin de 1860, il devint ainsi ministre sans portefeuille aux côtés de Baroche — on lui reprocha d'ailleurs de défendre avec quelque mollesse la cause de Fould, qui lui avait succédé... En 1869, il figurait encore dans le ministère de transition, et Ollivier eût souhaité le conserver. Magne, en fait, passa au Sénat où il n'eut de cesse de s'opposer au ministère... Peu avant la chute, il fit partie du gouvernement constitué par l'impératrice.
On peut aussi évoquer Baroche, ancien avocat, ministre dès 1850, qui devint président du Conseil d'État après le 2 Décembre, et qui, jusqu'en 1860, défendit de son poste les projets de loi et l'ensemble de la politique du gouvernement; ou bien Fortoul, professeur de lettres, qui va dans les premières années procéder à un début de modernisation de l'Université à marche forcée.
Mais, outre Niel, à la Guerre, ou Viollet-le-Duc, aux Beaux-Arts, un homme mérite surtout d'attirer l'attention, tant il tranche sur l'ensemble et aura marqué de son empreinte sa fonction ministérielle. Rien, en vérité, ne prédisposait Victor Duruy à occuper un poste dans le personnel gouvernemental du second Empire. Pourtant, Louis Napoléon sut le séduire, le convaincre et l'imposer. Il avait, on le sait, connu ce professeur d'histoire, universitaire de renom, quand celui-ci avait accepté de participer à l'équipe de rédaction de la Vie de César. Duruy hésita avantd'accepter le ministère de l'Instruction publique que lui proposait Louis Napoléon. D'origine populaire, tranquillement mais résolument anticlérical, il n'avait pas caché à l'empereur — qui l'approuvait sans réserve — ce que serait son ambition : apprendre à lire et à écrire à tous les Français. Duruy fut ministre six années durant; il accomplit une oeuvre considérable et suffisamment originale pour qu'on l'ait regardé comme un « précurseur de la République sous l'Empire ». Ce qui est une manière de ne pas reconnaître que, dans ce domaine essentiel, où l'action d'un homme n'a été rendue possible que par la volonté personnelle de Louis Napoléon, la République ne fut jamais que la continuatrice de l'Empire.
Compte tenu de l'isolement relatif de Louis Napoléon, le pouvoir réel doit trouver de nouvelles localisations. Le cabinet civil de l'empereur va ainsi acquérir une importance considérable, puisque c'est là que s'accomplissent les hautes et basses oeuvres du pouvoir souverain.
Mis à part Franceschini Pietri, le secrétaire particulier, le rôle essentiel y est tenu par Mocquard qui, jusqu'à sa mort, en 1864, dirigera l'équipe rapprochée de l'empereur. Le fait que la date de sa disparition coïncide avec l'ascension accélérée de Rouher en dit long sur le rôle qui fut le sien. C'est ce qu'on appelle un homme sûr, un conseiller avisé, qui sait garder pour lui les multiples secrets dont il est le dépositaire, et qui dispose d'une solide expérience d'avocat, de diplomate et de journaliste. Il fut, il y a bien longtemps, le secrétaire d'Hortense et, selon certains, davantage encore. Il voue à la famille une fidélité inébranlable.
C'est lui qui, en 1848, a organisé le secrétariat du candidat à l'hôtel du Rhin, et qu'on retrouve présent, en 1851, pendant la nuit du 1 er au 2 décembre.
Sous son impulsion, le cabinet va devenir une machine extraordinairement efficace, influente et redoutée; une machine
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