Louis Napoléon le Grand
conclu, le reste de l'année fut occupé à compléter la préparation diplomatique de l'opération. Les choses ne se passèrent cependant pas aussi bien que l'aurait souhaité Louis Napoléon. Les ministres, enfin mis au courant, poussèrent les hauts cris.
Victoria et Albert, qu'il avait invités à Cherbourg, en août, pour inaugurer le nouveau port, ne montrèrent pas plus d'empressement à approuver le projet.
Par ailleurs, ni le voyage entrepris par Napoléon Jérôme à Varsovie pour proposer, à nouveau, une alliance au tsar, ni les travaux d'approche auprès du futur Guillaume I er de Prusse ne donnèrent les résultats escomptés.
Pourtant, en janvier 1859, le scénario prévu fut assez bien respecté. Le jour de l'an, à la réception du corps diplomatique, Louis Napoléon s'adressa à l'ambassadeur d'Autriche en des termes peu équivoques, qui allaient faire le tour des chancelleries : « Je regrette que nos relations avec votre Gouvernement ne soient plus aussi bonnes que par le passé; mais je vous prie de dire à l'Empereur que mes sentiments à son égard ne sont pas changés. »
Le 26 du même mois, on célébrait le mariage de Napoléon Jérôme et de Clotilde. Le 4 février, une brochure intitulée Napoléon III et l'Italie, rédigée par son cabinet, était mise en circulation.
L'affaire, cependant, ne parvenait pas à démarrer. Le 7 février, le Corps législatif, à l'ouverture de sa session, ne dissimula pas ses réticences à la perspective d'une guerre en Italie.
Dès lors, Louis Napoléon était d'autant plus enclin à gagner du temps que la désapprobation d'une grande partie de l'opinion s'accompagnait de la difficulté à trouver un bon prétexte pourdéclencher les hostilités. Songea-t-il sérieusement qu'il pourrait arriver à ses fins en provoquant un congrès? Dans ce cas, pour avoir quelque chance d'y obtenir gain de cause, il aurait fallu persuader l'Autriche de la réalité de ses intentions belliqueuses. Mais il lui était difficile de démontrer sa résolution alors qu'il devait simultanément donner des gages de pacifisme à son opinion intérieure. Bref, c'était la quadrature du cercle.
Dès la fin de janvier, à son cousin qui, lui, n'en pouvait plus d'impatience et ne dissimulait pas son embarras, il avait conseillé le calme:
« Dans tous les cas, il faut du repos aujourd'hui pour quelque temps, car la question est très mal emmanchée et l'opinion publique en Europe se monte toujours davantage contre moi et surtout contre toi, car l'on croit que nous voulons la guerre.
« Si le Piémont a l'air de chercher une mauvaise querelle, si de mon côté j'ai l'air d'approuver sa conduite dans son désir de la guerre, l'opinion publique en France comme en Europe m'abandonne et je risque d'avoir toute l'Europe sur les bras. »
Du coup, au discours du trône, le parti de la paix reçut une belle satisfaction: « L'état de l'Italie et sa situation anormale [...] inquiètent justement la diplomatie [...]. Ce n'est pas un motif suffisant de croire à la guerre [...]. La paix, je l'espère, ne sera pas troublée. »
Qu'il le crût ou qu'il tentât une habile manoeuvre, Louis Napoléon joua dès lors la carte du congrès. Le principe fut proposé par la Russie. A deux reprises, dans la deuxième quinzaine de mars, Louis Napoléon tenta d'expliquer la situation à son turbulent cousin et de justifier son attitude :
« La Russie a fait la proposition du Congrès pour être utile à la France et au Piémont. Le résultat doit être d'isoler l'Autriche.
« Pour diviser mes ennemis et me concilier la neutralité d'une partie de l'Europe, il me faut témoigner hautement de ma modération et de mon désir de conciliation... On ne peut pas m'en vouloir de chercher à désunir toute l'Europe coalisée contre moi. »
Fort heureusement pour lui, l'intransigeance de Vienne va permettre de dénouer la situation. Au moment où Cavour est désespéré par ces atermoiements, l'Autriche a la bonne idée, le 20 avril, d'adresser - contre toute raison — un ultimatum au Piémont, lui enjoignant de désarmer. Situation idéale : l'Autriche passe pour l'agresseur; la Russie et l'Angleterre ont toutes lesraisons de rester neutres; le traité franco-piémontais, signé formellement en janvier, va fonctionner à titre défensif. Et le 3 mai, le gouvernement français déclare la guerre à l'Autriche. Sur les murs de Paris, une proclamation de Louis Napoléon est affichée : « L'Autriche [...]
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