Louis Napoléon le Grand
française, il évoquera le passé avec émotion, passé dont sa présence se veut réparation : « Il y a un quart de siècle que mon frère est mort pour la noble cause de l'Italie et que ma mère m'a arraché des griffes autrichiennes. »
« La noble cause de l'Italie »... Ce n'est pas la première fois qu'il emploie cette formule. Déjà, lors de son exil à New York consécutif à l'affaire de Strasbourg, il avait, à l'occasion d'une rencontre avec des réfugiés italiens, évoqué ses espoirs et rêvé à haute voix du jour où, conduisant les destinées de la France, les deux pays « seraient compagnons d'armes pour la noble cause de l'Italie ». A présent, c'est le chef d'État qui s'exprime. Un chef d'État en butte à des contraintes extérieures, à des oppositions intérieures, jusque dans la personne même de son ministre des Affaires étrangères. Alors, la noble cause de l'Italie, Louis Napoléonl'évoque désormais en termes moins ambitieux, plus restrictifs, à l'aune des intérêts bien compris de la France...
« Je veux l'indépendance, c'est-à-dire libérer l'Italie de l'influence autrichienne; l'unité procurerait des difficultés en France à cause de la question romaine, et la France ne verrait pas avec plaisir surgir à son flanc une grande Nation qui pourrait diminuer sa prépondérance. »
Il précise à l'adresse de Walewski que l'indépendance procurera à la France des alliés puissants qui lui devront tout et ne vivront que de sa vie. Propos de circonstance? Le débat est ouvert, et il n'est pas près d'être clos.
D'un côté, même si Louis Napoléon avait la conviction que l'indépendance de l'Italie conduirait tout droit à son unité, il était de bonne politique de le taire et de tout recouvrir du manteau de l'intérêt national, pour réchauffer les frileux. A l'inverse, il est vrai qu'une fois ouverte la boîte de Pandore italienne on entrait dans le domaine de l'imprévisible, Louis Napoléon devant comme les autres se contenter de suivre les événements, et de s'y adapter vaille que vaille. Comment ne pas douter cependant, quoi qu'on ait pu dire à ce sujet, que Louis Napoléon ait éprouvé tout le déplaisir qu'il était tenu d'exprimer, en voyant une Italie unifiée se substituer à la fédération d'Etats qu'il avait d'abord officiellement appelée de ses voeux. En tout cas, il ne fit jamais rien de décisif pour s'y opposer... Obligé pourtant à un savant jeu d'équilibre entre les contraintes de sa politique intérieure et les ambitions de sa politique extérieure, il a couru le risque de soustraire à son crédit le mérite de l'oeuvre immense qu'il allait accomplir.
La présence française à Rome résume le problème auquel il était confronté. Pour l'emporter à Paris, il avait dû, dans la Ville éternelle, faire le contraire de ce à quoi il croyait et céder à toutes les exigences papales. Mais Rome, tout compte fait, n'était pas un boulet, bien qu'on ait longtemps cru le contraire. C'était aussi un gage entre les mains de Louis Napoléon, gage qui faisait de lui un partenaire obligé pour tous les protagonistes. En faisant débarquer ses troupes à Civitavecchia, en 1849, Louis Napoléon s'était acquis des suffrages en France : il avait aussi, et surtout, gagné le droit de s'asseoir à la table du règlement des affaires italiennes.
Ce règlement il va le préparer lentement, patiemment. Attendant l'occasion propice. Quand, en novembre 1855, il reçoit Victor-Emmanuel et Cavour, il ne découvre pas encore son jeu.Pourtant l'Italie est au coeur de ses préoccupations, et toute sa pensée va vers elle.
En septembre 1857, il presse le tsar de menacer l'Autriche et d'obtenir la neutralité prussienne pour pouvoir attaquer, un jour, en Italie. C'est dire qu'il ne perd pas de vue son objectif, malgré les apparences. Apparences trompeuses, qui ne sont pas loin de lui coûter fort cher et qui vont compliquer les données psychologiques d'un dossier déjà passablement embrouillé.
Le 14 janvier 1858, un attentat fomenté et perpétré par quatre conjurés italiens manque de tuer le couple impérial en route pour une représentation exceptionnelle à l'Opéra. Les trois bombes lancées sur le cortège font huit morts et près de cent cinquante blessés. Eugénie et Louis Napoléon sont indemnes, mais l'affaire suscite une émotion considérable.
La motivation des terroristes était d'un simplisme déconcertant : tuer l'empereur, c'était à coup sûr
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