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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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percement de l'isthme de Suez. C'est l'époque où l'empereur rêve à la constitution d'une triple alliance unissant la France à l'Angleterre et à la Russie, où il dépêche Morny en ambassadeur extraordinaire et personnel. Le rêve ne prendra pas forme. Mais ses efforts n'auront pas été vains. Ils ont créé le contexte le plus propice à ce qui est vraiment la grande pensée du règne: l'intervention en Italie.
    ***
    La guerre en Italie n'est pas seulement l'acte majeur de la politique étrangère de Louis Napoléon; elle est le moment fort de son destin. Politique étrangère et destin personnel seront désormais indissociables, jusqu'au drame final. Tout ici illustre et résume, à nouveau, cette politique et ce destin: la fermeté de la conviction, la générosité de l'intention, la solitude de la décision, la pauvreté des moyens d'exécution, le dérapage des événements, le bilan finalement positif.
    L'Italie, c'est pour Louis Napoléon à la fois l'occasion d'une nouvelle étape dans l'application de sa politique des nationalités et le terrain d'un devoir sacré, devoir qu'il se sait, confusément, tenu d'accomplir... Les premiers succès qui ont suivi l'affaire de Crimée restent insuffisants. Dans une note à Walewski, son ministre des Affaires étrangères, l'empereur admet que le conflit a permis de disloquer la coalition des quatre grandes puissances, gardiennes de l'ordre européen issu du congrès de Vienne, mais poursuit, d'un même souffle : « Tant que la crise européenne prévue depuis quarante ans ne sera pas arrivée, on ne jouira pas du présent, on ne croira pas à l'avenir. »
    On ne saurait être plus clair, ni plus déterminé.
    L'Autriche — dont beaucoup, dans son entourage même, sont enclins à rechercher l'alliance — est désormais bien isolée. Sa neutralité embarrassée n'a satisfait personne : ni les Russes qui en espéraient de l'aide, ni la Prusse qui l'a soupçonnée d'arrière-pensées, ni l'Angleterre qui ne s'attendait pas à rester en tête à tête avec la France. Or, en Italie, c'est l'Autriche qui est l'oppresseur. C'est l'Autriche qui occupe une part non négligeable du territoire et qui, sur le reste, s'attribue un rôle de gendarme. C'est l'Autriche qui a brisé le rêve du pauvre Charles-Albert. C'est l'Autriche qu'il faut affronter et battre.
    Les soldats autrichiens, Louis Napoléon les a croisés sur son chemin. A vingt-trois ans, dans les circonstances troubles et contestées que l'on sait, son frère est mort devant lui, alors qu'ensemble ils les combattaient. Lui-même a été traqué, menacé et n'a dû son salut qu'à la présence d'esprit de sa mère. On a déjà dit tout ce que l'Italie pouvait évoquer comme souvenirs et représenter comme mythe dans l'épopée des Bonaparte. Comment s'étonner dès lors que Louis Napoléon ait jugé souhaitable, nécessaire, inéluctable de s'engager en Italie?
    Cette intervention, cette guerre, il les aura voulues, préparées de toute son âme et de toutes ses forces. Maupas est bien placé pour voir dans cet épisode « une substitution plus apparente que toutes les autres de la volonté personnelle du Souverain à la volonté de la Nation ».
    Car ce conflit, qui en voudra? Pas grand monde. Les catholiques n'ont aucune envie de voir la France brouiller un jeu déjà compliqué, dont le pape risque d'être l'une des victimes. Les conservateurs, dans leur grande majorité, trouvent que, bon ou mauvais, l'ordre de 1815 a du moins le mérite d'en être un. Quant aux républicains, s'ils ne peuvent sans se renier combattre ouvertement un projet si manifestement conforme à leurs propres idées, ils se méfient de tout geste pouvant passer pour de la compromission ou donner lieu à récupération.
    Louis Napoléon espéra-t-il, à l'occasion de cette équipée, sinon se rallier une partie de la gauche du moins en obtenir un certain rapprochement? C'est possible, mais sans doute ni plus ni moins qu'à l'accoutumée. Il a toujours pensé que, sur de grandes causes nationales, les partis pourraient oublier leurs différences et se rejoindre sur l'essentiel.
    En fait, c'est bien l'Italie, et l'Italie seule, qui occupe sa pensée et son coeur. Son comportement, autant que de l'analyse, procède d'un certain romantisme et, pour le comprendre, il n'est pas nécessaire de prêter foi aux rumeurs qui font état de son appartenance au mouvement carbonaro.
    Quand il débarquera à Gênes à la tête de l'armée

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